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" Je pense que les gens n'ont pas conscience du harcèlement que nous avons vécu pendant douze ans ", a confié l'agriculteur Paul François le 11 avril 2019 au rendu d'une nouvelle décision de la Cour d'appel de Lyon qui confirme la responsabilité de Monsanto dans la maladie dont il est atteint. (voir la vidéo interview de Paul François) " On a gagné mais à quel prix, c'est de la folie (...). Il y aura des séquelles quoi qu'il en soit ", a-t-il ajouté. " On a voulu me faire passer pour fou, ça n'a pas fonctionné. Heureusement. Mais je pense qu'il y a des victimes pour qui ça a fonctionné et qu'on a fait passer pour des simulateurs ou je ne sais quoi. J'ai une pensée pour eux. "
Les ennuis de Paul François ont commencé en avril 2004, il y presque quinze ans, après avoir inhalé les vapeurs d'un herbicide de Monsanto, le Lasso, alors qu'il s'apprêtait à traiter ses champs. " S'en suivirent des comas à répétition, des maux de têtes violents, des pertes de connaissances, des mois d'hospitalisation... sans que les médecins ne parviennent à faire le lien entre ses problèmes de santé et son intoxication. Le lien a pu être établi grâce au soutien et au courage de sa femme, de ses proches et de scientifiques. Aujourd'hui, il souffre toujours de graves troubles neurologiques (maux de tête, pertes de connaissance, hospitalisation...) qui l'empêchent parfois de se lever, de travailler et de vivre normalement ", précise dans un communiqué l'association Phyto-Victime qui défend les victimes des pesticides et dont il est le président.
Monsanto peut encore jouer la montre
En 2007, l'agriculteur demande une reconnaissance professionnelle de sa maladie et porte plainte contre Monsanto pour "défaut d'information sur l'étiquette et non-respect du devoir de vigilance". Les procès s'enchainent alors : d'abord au Tribunal de grande instance (TGI) de Lyon en 2012 puis à la Cour d'appel de Lyon en 2015 qui tous deux lui donnent raison. L'affaire va en Cour de cassation, celle-ci casse l'arrêt de la Cour d'appel en juillet 2017 pour un motif de procédure. La Cour d'appel doit de nouveau statuer. Son nouvel arrêt tombe le 11 avril 2019 : " la SAS Monsanto est responsable du dommage causé à M. François à la suite de l'accident du 27 avril 2004 ". Sur le plan financier, la firme est condamnée à verser 50 000 € à l'avocat de Paul François, rien de plus.
L'agriculteur est soulagé mais terriblement éprouvé d'autant que son épouse, qui l'a toujours soutenu, est décédée quelques mois plus tôt. Et la procédure ne va pas s'arrêter là. D'abord, Monsanto peut former un pourvoi à nouveau contre cette décision. Ensuite, il devra retourner devant le TGI de Lyon pour une demande d'indemnisation.
" En refusant de conclure sur la question de l'indemnisation, Monsanto a contraint la Cour d'appel à renvoyer cette question devant le Tribunal de grande instance de Lyon, retardant d'autant l'indemnisation ", explique l'association Phyto-Victime. Selon elle Monsanto joue la montre en utilisant tous les recours possibles. Aux Etats-Unis, Monsanto a fait également appel dans le procès perdu contre le jardinier Dewayne Johnson atteint d'un cancer en phase terminale après avoir utilisé de grosses quantités de Roundup dans le cadre de son travail. (voir la vidéo de Brut à ce sujet)
Paul François souhaite que l'indemnisation soit décidée au plus vite. Pour le soutenir dans son combat, il a lancé un appel à financement participatif sur le site www.okpal.com/fairecondamnermonsanto et a déjà recueilli des centaines de milliers de dons. Phyto-Victimes invite ceux qui le souhaitent à l'aider encore dans sa procédure.
Anne-Françoise Roger