Le premier, c'est l'amour de soi. C'est apparemment le plus digne de foi. On y croit tous et sans exception. Et de bonne foi. Il est prétendument sans duplicité. Quand on s'aime soi-même, on n'a pas de faux problème, on se ressource à la source en quelque sorte, on suit le mouvement de la nature. Car l'amour de soi précède l'amour de l'autre. Sans l'un, il ne peut y avoir l'autre. C'est même la condition de possibilité de tout amour. Et si on lui réserve souvent un mauvais accueil, c'est parce qu'il a deux écueils : l'égoïsme et le narcissisme. Amour de soi ne veut pas dire glorification de soi mais acceptation de soi. C'est le fait d'être en accord avec soi-même, de s'entendre de l'intérieur avant de prétendre à l'extérieur. Il est sincère et rend sincère celui qui l'exprime sans manières. Sans cire et sans délire.
Le deuxième, c'est l'amour de l'autre... qui mêle davantage l'ombre à la lumière... duo qui peut être duel... duel qui peut devenir cruel... La distance qui nous sépare l'un de l'autre est celle-là même qui nous répare. C'est à prendre ou à laisser parce qu'on en a jamais assez d'être enlacés, d'embrasser la bonne comme la mauvaise part... les désirs qui coulent à flots ont du mal à supporter les remparts. Avec l'autre, on n'est jamais en avance, on est toujours déjà en retard, décalés ou recalés. Pour l'un ce sera toujours la montagne, pour l'autre, la vallée. Quand on est un peu lucide, on se rend à l'évidence que ça ne coïncide jamais. Pas d'amant qui ne se sente mal aimé. Souffrance qui n'est due qu'à notre insuffisance. Bonheur qui ne nous rend pas heureux parce que nos désirs sont de plus en plus désireux, de plus en plus nombreux... Et cette insatisfaction permanente est loin d'être étonnante, car chacun tire la couverture vers soi pour découvrir l'autre. Sans le commander, on voudrait le voir obéir. Sans le forcer, le voir s'offrir. Sans le blesser, le voir souffrir. C'est ça l'amour, pour le meilleur et pour le pire. Il n'a d'autre obsession que la possession, non pour faire mal mais pour ne pas avoir mal. Des deux malades, aucun ne cherche à guérir, surtout quand on aime à en mourir. L'amour de l'autre est aussi sincère que l'amour de soi, mais il doute et redoute l'altérité de l'autre.
Le dernier c'est l'amour de Dieu. Il n'est pas naturel. Il est surnaturel. Il surplombe la nature et la culture. Il n'est pas horizontal mais vertical.Ce n'est pas une idée, mais un idéal. Il n'est jamais révolu, mais révolutionnaire et absolu. Il n'est pas seulement sincère mais vrai, toujours vrai puisqu'il est l'amour du vrai. Sentiment qui a un sens. Sentiment qui donne un sens au sentiment.A toujours peine perdue, celui qui n'est pas disposé à s'incliner devant la beauté absolue, la bonté absolue, la vérité absolue ?... qui ne sont guère que les attributs de Dieu... pour ne pas dire que c'est Dieu qui nous les attribue.Ce n'est pas l'amour qui nous pousse à y croire, c'est notre Foi, qui nous le fait entrevoir.L'amour de Dieu est le seul qui ne risque pas de nous décevoir... comme si nous n'existions que pour le faire valoir... je ne sais pas si je m'aime... je ne sais pas si je t'aime... tout ce que je sais, c'est qu'il y a un Dieu que j'aime et qui me fait dire qu'il n'y a de vrai que l'amour et qu'il n'y a d'amour que du vrai.
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