Cinema Paradiso**********Leolo de Jean-Claude Lauzon

Publié le 05 avril 2019 par Hunterjones
Chaque mois, dans les 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) et la musique (vers le milieu), je vous parle cinéma.
Cinémakimepassionne.
Cinéma qui me séduit par sa facture narrative, par sa cinématographie, par son audace, son sujet, ses interprètes, ses choix. Je vous parle d'une équipe dont j'ai aimé la plupart des choix.

Le cinéma peut être le plus beau des voyages. Et reste toujours le moins cher.
LEOLO de JEAN-CLAUDE LAUZON
1991.
Jean-Claude Lauzon était un monstre. Il avait un tempérament parfois difficile à supporter. Une confiance qui frôlait l'arrogance. Son premier film avait fait beaucoup de bruit. On avait beaucoup aimé. Mais le gars était rock'n roll. Il avait de l'ego. Fallait suivre son rythme.
Dans l'excellent documentaire de Louis Bélanger sur l'enfant terrible qu'était Jean-Claude Lauzon, Lauzon, Lauzone, on y entend une femme dire, un peu gênée, que Lauzon lui avait dit une fois que des lèvres comme ça, ça devais bien sucer" et que quelques heures plus tard, elle était à genoux lui en faisait la démonstration. Il avait ce pouvoir de séduction. Même dans l'indignité.

Un Zoo La Nuit avait séduit parce que des films traitant de relations père-fils comme ça, on en avait pas vu si souvent. Lauzon avait pris sacrement son temps par la suite, 4 ans, avant de tourner son film suivant (faisant beaucoup de publicités télé entre temps). Il avait pourtant commencé à le scénariser en Italie, lors du tournage de son premier film, en Sicile. Il allait s'agir d'un film nettement plus personnel que le premier, qui l'était aussi en quelque sorte. Puisqu'il traitait encore plus de famille. Nous y plongeant complètement dans Leolo.

Leo Lauzon est dans une famille dysfonctionnelle et renie tant ses origines qu'il s'est inventé une naissance et une nationalité italienne. Un homme italien se serait branlé dans les tomates en Sicile, une tomate pleine de son semen aurait voyagé jusqu'au Québec et quand la mère de Leo tombera dans un plateau de tomates, se coinçant la tomate en question entre les cuisses, aurait ainsi été mise enceinte.
La chronique qui suit, qui sera son film, est d'une beauté ponctuée de petites laideurs, touchant autant la poésie que l'inconfort. Cette caméra, entre autre audace, qui glisse honteusement entre les jambes de Ginette Reno dans les premières minutes. La même Ginette qui trouvait si gênant de chanter le mot "fesse" avec Jean-Pierre, pas si longtemps avant.

 On y trouve dans le film de nombreuses citations de L'Avalée des Avalées de Réjean Ducharme. Un monument et une oeuvre phare chez nous.
Ce qui est bien de chez nous aussi, c'est l'hiver. Lauzon, en homme intelligent, a compris la richesse de notre hiver et l'a un peu filmé, le temps d'une pisse nocturne.
Lauzon emprunte de manière importante des scènes à Phillipe Roth, une scène impliquant entre autre un foie dans une salle de bain et un petit déjeuner. Quand Lauzon, qui voulait absolument Guy Dufaux comme directeur photo, lui a présenté le scénario, il s'est placé derrière lui, le regardant lire le scénario, et plaçant la musique qu'il souhaitait placer sur ce qu'il lisait, au moment où il les lisait, afin que Dufaux puisse se faire de meilleures images de ce qu'il imaginait. (C'est Dufaux lui-même qui m'a refilé ceci). Ça donne une idée du personnage. Dufaux y a tourné de formidables images. La photo atteignant parfois des véritables moments de grâce.
La trame sonore époustouflante de Marcel Pothier et de Richard Grégoire, la musique de Tom Waits ou celle des chorales ou des chants grégoriens donnent un fond de rêverie et d'apesanteur.  Pierre Bourgault, en dompteur de vers n'a jamais été un choix politique, un simple choix poétique. Et amical puisque Bourgault avait été un professeur de communication de Lauzon. La voix de Gilbert Sicotte en narration n'est pas non plus sans rappeler l'univers de Réjean Ducharme, Sicotte ayant été une vedette de l'un des deux films dont Ducharme aura été scénariste*. Lauzon a tourné la scène de noyade la plus agréable qui soit. Tournée magnifiquement par Dufaux. Ginette Reno, presqu'arrachée à l'univers de Michel Tremblay (elle s'y retrouvera 6 ans plus tard) y est à la fois grotesque et immense. Lauzon a filmé un voyage dans l'imaginaire d'un enfant, ce qui rapproche encore de Ducharme. Son personnahe s'auto-proclame Leolo Lauzone, et ne parlera pas, à la psychologue de la famille, de Leo Lauzon, puisqu'il ne le connaît pas. Denys Arcand dans le rôle d'un homme qui nous dira quoi faire, est une idée fameuse, puisque c'est ce qu'il n'a jamais cessé d'avoir envie de faire.

Le fantasme Bianca, lui inspirant davantage l'Italie, le désir, et le rêve, toujours le rêve, mais la jalousie aussi. Fameux. Le film m'a donné le goût de la plongée pour toujours.
Un scène de poisson pêché qu'on finit par perdre qui fera sourire fait reprendre aux personnages le dialogue entre les deux personnages principaux de son film précédent, son seul autre à vie (trop courte), Un Zoo La Nuit. C'est une scène assez amusante. Une autre scène extraordinaire est la scène du grand frère de Leolo refaisant face à l'intimidateur de sa jeunesse.

Parce que moi je rêve, moi je ne le suis pas. 

Lauzon nous as filmé un traité de l'humiliation familiale.
Le magazine Time, en 2005, le classera d'ailleurs parmi les 100 meilleurs films de tous les temps.

Il faut rêver, il faut rêver.
Lauzon m'avait fait rêver.
Il s'est tué dans un accident aérien avec son amoureuse d'alors, la toute aussi intense actrice Marie-Soleil Tougas, en 1997.

Il avait 43 ans. 
Marie-So, 27.
Son dernier film est un bijou national.
*Films que je recherche sans arrêt afin de les acheter, mais qui sont insupportablement indisponibles partout!
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