Ainsi donc, voilà les tripatouilleurs de réalité rattrapés par les faits. Le retour de boomerang est impressionnant et mortifère ; celui-là laissera des traces durables sur la crédibilité de la parole de l’État à son degré le plus élevé de la hiérarchie républicaine. Qu’on en juge. Le procureur de Nice, Jean-Michel Prêtre, a fini par admettre que la militante d’Attac Geneviève Legay, gravement blessée en manifestation, avait bel et bien été heurtée par un policier. Le magistrat du ministère public revient sur ses premières déclarations et, autant le dire, nous ne sommes pas près d’oublier le ton inquisitorial et définitif qui avait prévalu jusque-là dans la bouche de ce haut fonctionnaire de Nice, sans parler du préfet des Alpes-Maritimes qui avait, lui aussi, déclaré que Geneviève Legay avait «été poussée dans le dos, non pas directement par un membre des forces de l’ordre, mais par des personnes reculant dans un mouvement de foule». Depuis vendredi 29 mars, une information judiciaire est ouverte. Chacun l’a bien compris, les conséquences de «l’affaire Legay» atteignent désormais l’Élysée. Pour une raison simple: le mensonge d’Emmanuel Macron est établi.
En niant – pour quelles raisons? – cette violence policière, le président de la République a menti devant les Français. Souvenons-nous que, le même jour, M. Macron, avec la condescendance de classe qu’on lui connaît, avait également affirmé: «Cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre. (…) Quand on est fragile, qu’on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci», pointant le manque de «sagesse» de l’intéressée. Macron, artisan d’une fake news de sommet? Dans cette époque de glorification des violences policières et de réquisitoire contre toute résistance sociale, rappelons que nous attendons de la part d’un chef de l’État beaucoup de qualités morales qui ne sauraient exclure la «sagesse». Souhaitons-lui d’atteindre lui-même un jour, sait-on jamais, celle de Geneviève Legay…
Ces mensonges à tous les étages s’avèrent inacceptables. D’autant que nous apprenons concomitamment que, en juillet 2018, par le truchement d’Ismaël Emelien, alors chargé de la communication de crise, l’Élysée a fait diffuser un montage vidéo trompeur pour tenter de disculper Alexandre Benalla. Sans doute un autre scandale d’État. Tôt ou tard, le prince élu et son entourage devront rendre des comptes pour tout cela. [EDITORIAL publié dans l'Humanité du 1er avril 2019.]