C'est à l'occasion du « FinTech Ideas Festival » que, dans deux interventions séparées, Tim Sloan, directeur général de Wells Fargo (maintenant sur le départ), et Cathy Bessant, responsable des opérations et des technologies de Bank of America, ont adopté un point de vue extrêmement réservé sur la réalité des gains à attendre de la blockchain, qui tranche avec leurs précédents discours… et actes, puisque ces banques faisaient notamment partie des premières à investir dans le consortium R3, il y a moins de 2 ans.
Pour le premier, le message reste modérément optimiste, à moins que ce ne soit la diplomatie qui l'emporte. Pourtant, même s'il affirme continuer à croire au potentiel de la technologie, à long terme, Tim Sloan considère qu'elle a été largement survendue. Selon ses mots, si on se replace dans le contexte de ses origines et des grands discours qui en vantaient alors les extraordinaires qualités, la blockchain devrait aujourd'hui avoir totalement révolutionné l'industrie financière. Or ce n'est clairement pas le cas.
Naturellement, ces commentaires peuvent être interprétés comme le simple signe d'une impatience (compréhensible), entraînant un phénomène classique de désenchantement vis-à-vis d'une innovation, avant qu'elle ne trouve sa place légitime dans l'arsenal de l'entreprise. Ils marquent tout de même une prise de conscience (salutaire) des excès d'optimisme initiaux. Dans ce registre, la position affichée par Cathy Bessant paraît encore plus révélatrice du réalisme qui va peut-être enfin progressivement s'imposer.
Elle se sent en effet désormais confortée dans sa conviction que les nombreux avantages supposés de la blockchain ne survivent pas à l'épreuve des faits. Bien que, elle aussi, déclare vouloir croire à sa valeur, elle adopte une approche résolument pragmatique, se disant prête à écouter quiconque lui apportera un cas d'usage qui fait du sens, soulignant aussitôt que, dans le secteur bancaire, l'exercice sera très difficile…
Voilà bien une preuve d'une certaine maturité dans un domaine qui, jusqu'à présent, n'a pratiquement vécu que de fantasmes et d'illusions. Il est temps d'admettre qu'une brique technologique, aussi séduisante (voire fascinante) soit-elle sous l'angle conceptuel, n'a aucun intérêt si elle n'apporte pas de bénéfices conséquents dans des applications concrètes. Et il faut se rendre à l'évidence (avec Cathy Bessant), aucune implémentation n'a, à ce jour, démontré sa supériorité technique sur une approche traditionnelle.