Une coopérative dans l'esprit canadien
Florence Bardon est une ancienne conseillère funéraire passionnée par son métier. Malheureusement des managers visiblement plus motivés par le chiffre d'affaires et le rendement que par le confort de leur clientèle l'ont jugée trop humaine, trop à l'écoute des familles en souffrance... et le lui ont reproché vertement. Écœurée par ces pratiques, la dame a fait sécession pour monter une coopérative funéraire dans l'esprit de celles développées depuis les années 40 au Canada et au Québec. Finalité de la manœuvre : proposer des funérailles économiques, orchestrées selon la volonté du défunt et des proches et qui respectent l'environnement.
" J'ai vu des des gens qui faisaient des prêts pour payer des obsèques "
Des revendications bien ancrées dans l'air du temps, mais qui impliquent une évidente rigueur dans le discours et l'offre, partant à total contre-courant des méthodes employées par les acteurs du marché, principalement les grands groupes funéraires : en cela, la coopérative dénoncera notamment les options que les professionnels glissent dans les devis, devis que l'entourage signe sans rien y connaître, encore sous le coup de la perte et du chagrin.
Cercueil capitonné, soins de thanatopraxie, fleurs par voitures entières, voici quelques exemples de prestations fournies de force comme des indispensables décrétés par l'État ... alors qu'il n'en est absolument rien !
" L'idéal est de préparer ses obsèques lorsque nous sommes en bonne santé et en possession de nos moyens. Le faire sereinement sans pression financière, croyance, coutume... "À lire aussi : Convention obsèques : qu'est-ce que c'est et comment bien choisir ?
Transparence, respect et éducation
- Il s'agit d'orienter les proches vers le choix de cercueils plus simples, sans vernis ni ornementation, avec de la corde pour les poignées, des bières en carton également, bref des modèles plus écologiques ... mais qui dénotent avec le décorum traditionnellement associé aux funérailles.
- Les particuliers demeurent fidèles à ces produits élégants et chers car ils veulent respecter une image sociale de bienséance, même s'ils préféreraient des offres beaucoup plus économiques. Il convient alors d'expliquer et d'éduquer les interlocuteurs pour revenir sur ces pratiques et définit un moyen terme.
- Dans le même esprit, il faudrait privilégier les tombes végétalisées aux lourds monuments de granit et de marbre, dont la production pille les ressources minérales, et qui sont souvent fabriqués à l'étranger, donc véhiculés dans l'Hexagone avec une empreinte carbone conséquente.
- Le but est aussi d'amener les particuliers à penser et préparer leurs obsèques en amont, pour prévoir leurs obsèques et ainsi soulager les proches en deuil, pouvoir se consacrer à leur écoute sans être parasités par les détails logistiques.
- La problématique du financement est également centrale ; hors de question que les familles empruntent à long terme pour payer les obsèques. La coopérative se propose d'orchestrer des micro-dons, des campagnes de financement commun afin d'épauler les personnes dans le besoin et donner ainsi accès à des cérémonies dignes.
- Enfin, et c'est le plus révélateur, la structure s'engage à respecter les volontés ultimes des défunts telles qu'elles ont été énoncées et enregistrées. Il n'y aura pas de vente forcée de services dont le disparu ne voulait pas. Si ces volontés n'ont pas été préservées officiellement, on discutera avec la famille pour déterminer qui était le défunt, et organiser en commun un rituel en adéquation avec sa personnalité.
Inaugurée en 2020, la coopérative dijonnaise, deuxième du genre en France après celle de Nantes lancée en 2016, visera avant tout l'information et la prise en charge des familles, une entière transparence dans les services fournis, le partenariat avec les artisans et ouvriers de la région (sage décision car ils s'avèrent beaucoup moins onéreux que les trusts). Cela passera par une véritable évolution des mentalités :
Un travail de fond donc, une mission qui transparaît dans la structure même de la coopérative, propriété partagée des salariés, des familles et des partenaires mais qui n'a aucun but lucratif. Pour poser le socle de cette entreprise sociale et solidaire, une association a vu le jour fin 2018 : Info Funéraire Dijon organise déjà des cafés à thème et des débats visant à sensibiliser le public sur ce sujet délicat. La parole demeure la clé de cette démarche responsable, à destination des particuliers qui pourront ainsi en savoir plus sur les lois et les réglementations en vigueur, les démarches à effectuer ...
Les municipalités pourront également se renseigner sur l'interdiction des herbicides, les devis normés reconnus par la loi... Bref, au stade associatif où il se trouve, le projet est déjà en train d'endosser la fonction humaine qui sera la sienne quand elle sera devenue une Société Coopérative d'Intérêt Collectif. Une démarche à suivre de près donc, car elle entend révolutionner les usages dans un secteur qui en a grand besoin.
Pour en savoir plus : https://www.infofunerairedijon.fr/