Ce que Sollers fait. De roman en roman, Philippe Sollers opère, discrètement et avec le plus grand naturel, un « florilège » des écrivains qu’il aime bien (« Ce que tu aimes bien demeure » affirmait Ezra Pound). Par là il sauve ces auteurs (Nietzsche, Hegel, Rimbaud, Hölderlin, Shakespeare dans son dernier ouvrage, …) de l’oubli ou les extraits des lectures maladroites dans lesquelles ils ont été étouffés. Il constitue ainsi une « encyclopédie » des connaissances pratiques (de la « vérité pratique » visée par Isidore Ducasse). Il ne le fait nullement de manière professorale, c’est naturellement que les poètes et écrivains accueillis entrent, vivants (avec leurs succès et leurs incertitudes), dans la vie du romancier. Discrètement : non « en bloc », mais l’un après l’autre, chacun selon son génie propre, introduit dans le récit auquel il participe. Reconnaîtra-t-on l’œuvre de sauvetage accomplie, comme de rien, par Sollers ? Je dis « comme de rien » car il n’est nullement dans Le Nouveau sujet de naufrage mais bien au contraire de navigation heureuse, harmonieuse, large. Le seul « ensablement » avec le temps est celui qui a absorbé, au fond du jardin, la barque dont ne sont plus lisibles que les premières lettres du nom, Le No.
Claude Minière
Philippe Sollers, Le Nouveau, Gallimard, 2019, 144 p., 14€