Partager la publication "[Critique] DUMBO"
Note:Titre original : Dumbo
Origine : États-Unis
Réalisateur : Tim Burton
Distribution : Colin Farrell, Eva Green, Danny DeVito, Michael Keaton, Nico Parker, Finley Hobbins, Roshan Seth, Alan Arkin…
Genre : Aventure/Drame
Date de sortie : 27 mars 2019
Le Pitch :
Le cavalier Holf Farrier retrouve ses deux enfants après la guerre. Meurtri, il tente néanmoins de rependre sa place dans le cirque dans lequel il a toujours travaillé. Assigné au dressage des éléphants, il prend son service le jour où naît le petit Dumbo, un curieux éléphanteau doté d’oreilles démesurées. Tout d’abord sujet aux railleries, ce dernier finit par susciter l’admiration et les convoitises le jour où il dévoile son talent le plus extraordinaire. Car Dumbo n’est pas un éléphant comme les autres. Dumbo sait voler…
La Critique de Dumbo :
À quand remonte le vrai dernier bon film de Tim Burton ? Celui qui a fait honneur à la réputation que le réalisateur a réussi à se bâtir au fil d’œuvres puissantes et enchanteresses comme Edward aux mains d’argent, Ed Wood ou encore Beetlejuice. Big Fish ? Charlie et la Chocolaterie ? Car depuis quelques années, Burton est un peu l’ombre de lui-même. Porté sur l’auto-caricature facile, il semble lassé d’un cinéma dans lequel il ne cesse pourtant de s’enfermer en refusant de faire preuve de cette même audace dont il était jadis le garant… Et malheureusement, ce n’est pas son retour chez Disney qui va nous encourager à croire qu’il est enfin de retour aux affaires sérieuses. Même si il n’y a rien de déshonorant dans son Dumbo et que celui-ci est heureusement propulsé par une morale très appréciable au regard de son sujet…
Retour au bercail
On l’oublie souvent mais Tim Burton travailla, au début de sa carrière, pour Disney. Il se fit notamment la main sur Rox et Rouky, ne parvenant pas à trouver sa place. Disney n’étant pas décidé à laisser s’exprimer un artiste à l’univers déjà marqué, qui savait ce qu’il voulait et qui n’était pas prêt à faire des concessions. Bien des années plus tard, Burton revint chez Disney pour réaliser Alice au Pays des Merveilles et cette fois-ci, des concessions, il était parfaitement disposé à en faire. Il en va de même avec Dumbo, soit l’adaptation live du dessin-animé éponyme, auquel le réalisateur a réservé un traitement vraiment trop tiède pour convaincre.
Burton en pilotage automatique
Rien ne plus logique que de retrouver Burton à la tête d’un cirque. Lui, il a toujours aimé les freaks. De Dumbo lui-même, cet éléphant aux oreilles bien trop grandes à Holt, le personnage de Colin Farrell, amputé à la guerre, beaucoup des personnages principaux sont en décalage par rapport à l’idée que l’on se fait de la normalité. Raison de plus pour se serrer les coudes face à un establishment parfois violent. Le message de Dumbo est limpide mais Burton aurait pu livrer une interprétation autrement plus évocatrice. Au lieu de cela, il se contente de jouer sur la redite et de mollement suivre les inclinaisons d’un scénario sans surprise (ce n’est pas le plus grave), sans relief et donc cruellement prévisible. Alors oui, on sent malgré tout que Burton n’a pas voulu suivre à la lettre le dessin-animé. On peut voir en Dreamland, le super parc d’attraction tenu par Michael Keaton dans le film, une critique de Disney. On peut voir ici une preuve du caractère toujours indomptable du cinéaste. Montrer du doigt les dysfonctionnements et les outrances d’une grosse machine alors qu’on travaille précisément pour elle ? Oui, enfin, on aurait pu arriver à une telle conclusion si Burton avait fait preuve d’un peu plus de mordant dans son approche. Du coup, on peut aussi franchement douter que Dumbo ne soit rien d’autre qu’une gentille fable finalement bien moins virulente que le dessin-animé dont il s’inspire. Parce que l’écriture n’est pas à la hauteur, parce que le rythme est bien trop lent et parce que même la direction d’acteurs semble en pilotage automatique. En fait, seuls Danny De Vito et Eva Green ont l’air de vouloir sortir de cette sorte de mélasse dans laquelle sont empêtrés tous les autres.
Plaidoyer
Heureusement, si Dumbo ne se montre guère passionnant, il offre un spectacle visuellement abouti. Dumbo en lui-même, grâce au travail des techniciens, est d’ailleurs le seul garant d’une émotion qui a bien du mal à percer autrement qu’au travers de ses grands yeux tristes. Rarement, grâce au talent de Burton, certes en sourdine mais néanmoins lisible ici ou là, le film fait montre d’une certaine flamboyance. Comme quand le petit éléphant s’élance dans les airs pour la première fois ou à la fin, quand Burton sort de cette torpeur pour illustrer une morale extrêmement bienvenue, faisant de Dumbo un film non pas anti-cirque mais contre les animaux sauvages dans les cirques. Son jeune héros étant opposé à la cruauté des hommes, en particulier celle de ce riche maître du divertissement campé par Michael Keaton, dont les inclinaisons renvoient à P.T. Barnum. Avec son ultime scène, magnifique, Dumbo s’envole vraiment au moment de sa conclusion, nous laissant sur une touche résolument positive et bienveillante.
En Bref…
Visuellement réussie, cette nouvelle version de Dumbo ne risque pas de faire oublier l’ancienne. Trop fade, trop linéaire, reposant sur un scénario trop faible, réalisé par un Tim Burton peu inspiré, Dumbo gagne ses gallons quand il se dédie entièrement à illustrer sa morale et charge en direction des cirques exploitant des animaux sauvages. Parfait pour les plus jeunes en espérant que le message touche aussi les parents. Parce que ce que dit en substance le film c’est ça : quand allons-nous arrêter d’applaudir la souffrance dans ces endroits soit-disant dédiés au divertissement mais en réalité garants d’une barbarie d’un autre âge envers les animaux ?
@ Gilles Rolland