Avec son parcours, à la fois dans des banques traditionnelles (Citi, JPMorgan Chase…) et chez des trublions de la finance (dont Amazon et Simple), la directrice générale d'Earnest, un établissement de crédit alternatif, est bien placée pour expliquer les valeurs spécifiques qui marquent la différence entre ces deux catégories d'acteurs.
Naturellement, quand on se penche sur les nouveaux entrants du secteur, c'est d'abord leur excellence technologique qui paraît construire et définir leur avantage concurrentiel face aux entreprises historiques. En revanche, pour Susan Ehrlich, les trois critères déterminants d'une expérience client véritablement supérieure ressortent de ce que l'informatique rend possible et transforme dans : le modèle d'affaires guidant la stratégie, le rôle de la gestion des produits et la manière d'envisager le marketing.
Pour commencer par le premier, le principe en est aussi évident que (apparemment) angélique : tandis que la plupart des institutions financières ont dérivé, au fil des ans, vers une logique d'exploitation des erreurs de leurs clients (dont l'archétype est la gestion des découverts) perdurant grâce à une sorte de léthargie entretenue, les startups, sorties de nulle part, ont l'obligation de proposer un modèle dans lequel elles sont gagnantes avec leurs utilisateurs, afin de conquérir la confiance qui conditionnera leur succès.
Une conséquence de ce point de vue est l'impératif de la focalisation sur la conception des produits. En effet, en l'absence de l'effet d'accoutumance que créent nos fournisseurs habituels, les jeunes pousses ne peuvent se contenter de rechercher comme eux comment accroître leurs revenus à tout prix. Elles doivent, au contraire, identifier les moyens de faire converger la satisfaction de leurs clients, qui passe par l'amélioration continue des solutions mises à leur disposition et la réduction des frictions dans l'expérience, et leur propre intérêt, à savoir l'efficacité opérationnelle qui en découle.
Enfin, quand la qualité de l'offre est au centre des préoccupations, le marketing doit adopter une approche différente, loin des artifices que les grandes marques emploient pour faire oublier les lacunes de ce qu'elles commercialisent, à grand renfort de budgets pharaoniques. Selon les mots de Susan Ehrlich, « si le produit est bon, il devrait se vendre tout seul » et les seuls efforts requis seront de faire connaître son existence et de démontrer qu'il répond à un besoin profond des consommateurs (à l'instar du prêt pour une bague de fiançailles d'Earnest, face à un simple crédit à la consommation).
En synthèse, ces réflexions dessinent une autre perspective sur les changements qu'amène la révolution « digitale », bien au-delà des innovations technologiques et de l'obsession du client dans la stratégie. Tous les métiers de l'entreprise sont concernés et subissent des transformations dans le sillage de ces grandes priorités. Le marketing, en particulier, n'est certainement pas épargné ! Et, comme toujours, le mouvement qui affecte initialement les startups devra également s'imposer aux acteurs établis, quand leurs clients se seront accoutumés à ces nouvelles armes de séduction.