Retourner à l’étoile du Nord pour voir que l’Oreille saigne de et avec Mathieu Mullier-Griffiths et revoir Cachafaz mis en scène par et avec Éram Sobhani dans le festival Copiright c’était comme une parenthèse partagée avec deux amis véritables que nous avons retrouvés dans ce théâtre rénové contemporain. Que l’oreille saigne est envoûtant, beau et fascinant comme une cérémonie mystique qui se décalerait se libérerait de tous ses modes, ses références. Au début le public reste sous la lumière et une bande son de bruits affaiblis quotidiens indiscernables, comme lorsqu’on est invité, on prête une oreille timide, mal à l’aise on se range ; sur le plateau dans une lumière spectrale qui nous laisse entrevoir en fond de scène un homme presqu’indien avec un seul tambour de chaman et on voit des objets beaux et blancs en avant scène une tour de Babel ou tour infernale à jardin et une coupe à cour. Après que la lumière public soit éteinte viendront des égouts ? Non du dessous de la scène un jeune couple : un homme une femme qui démonteront la tour d’éléments égaux, comme un jeu de construction en bois kapla, un acrobate symbole du peuple ayant perdu l’usage de ses jambes et qui se déplace en rampant au sol et qui se jette de la hauteur des cintres, il est en boucle comme Sisyphe, une danseuse chanteuse qui scande du bruit de ses talons la musique. Tous ces éléments, ce théâtre et ses acteurs danseurs musiciens délivrant le crescendo de leurs émotions. nous désaccordent. Après comme avoir lu jour après jour tous les textes, ils se battent et se délivrent par leur corps et leurs sons, bruits, musiques, pour que notre oreille pleure...
Cachafaz c’était hier leur avant-dernière pour ce festival j’espère vraiment que ce spectacle sortira de ce cadre, car il est instructif sur les crises politiques la pauvreté les exclusions en Amérique de Sud : Uruguay Argentine ce spectacle nous pousse à interroger l’Histoire de l’Amérique du sud et notre propre histoire face aux forces d’oppression de dictature et de religion : qui sont les damnés. Et puis on rit aussi car cette pièce, Copi oblige, n’est pas sans transgression, sans humour décapant, grand guignolesque qui juxtapose l’amour fou la douceur d’un tango mêlée à sa force sensuelle de survie de folie. Et puis il y a aussi une fresque d’un réveil collectif qui par la révolution se condamne à mort. Revoir un spectacle c’est sentir la différence de communion avec le public : hier la salle était presque pleine et l’échange était total jusqu’aux chants si beaux et à la danse bagarre comme en lui-même de ce jeune homme, quel théâtre élégant disert. Quels acteurs dont cette femme du peuple qui passe d’une extrême à l’autre pour arriver à offrir sa vie avec sa voix du tréfonds. C’était tellement bien qu’en m’éloignant de ce moment j’étais comme incapable de faire un pas... J’en avais marre du temps qui passe. Je voulais que ça s’arrête....
Il vous reste un jour ultime, ce soir, pour les voir ces deux spectacles avant un bal tango queer à 21h30 ce mercredi 27 mars. Une apothéose.