Partition lue avec un œil crevé plus gros qu’une lune
Quand un personnage indéfini se penche au bord de cette eau-là, on peut penser à un Narcisse improbable, mais il se peut bien davantage que l’on soit face à une expérience philosophique ou esthétique ou encore à un soin fait à soi-même.
… les histoires sont toujours bidon, on invente, on s’invente, on y croit, mais dans la cuvette pas question d’histoires, ou par plaisanterie, dire c’est des histoires pour le côté vaseux, tout ça c’est du vent, rien du tout, dénigrer, parce qu’ici, pas d’histoires, non surtout pas, il y en a déjà trop partout, vulgaires, sans intérêt, plus débris que fragments, la nécrose fringante, ici ?
Si près de l’eau, ce n’est pas un visage que l’on voit, mais un œil. L’œil de Bataille, le mauvais œil, on déroulera en premier lieu toutes les expressions contenant œil ou yeux pour se lancer dans un jeu d’introspection. Au milieu du nom de l’auteur, on trouvera un mi rare. Cette approche lacanoïde nous évitera de décrire trop précisément un dispositif autour de portée 1, portée 2, intermezzo. On pourra supposer et se tromper, trouver une communication entre le rituel de la cuvette et l’émergence d’une ou deux voix d’enfant, non loin de la grand-mère lectrice de Goncourt, des grenouilles, de M. Bédard et de la chose ronde où il tartine son beurre, tout cela entrant en cohérence avec de petits faits divers poétiques d’enfants énucléés qui évoqueront chez moi ce monde contemporain où chez Nathalie Quintane sans aucun glissement sémantique « on enlève les yeux de».
Le « On n’en sortira pas », lui, m’évoque La peau et les os d’Hyvernaud, spécialiste des latrines (tout est dont raccord oui, mais raccord avec quoi ? Avec la découverte d’une auteure et de sa première publication et une langue qui ne se sent pas obligée d’user de narration. Raccord avec une dystopie qui aurait sa ZAD ou une orangeraie dans les toilettes ?
Bienvenue dans le cercle-texte qui ne propose pas de fin. S’y refuse. Ici tout est rond. S’il y avait une histoire dans ce texte, elle serait ronde. La partition serait rétinienne.
Passer la main entre les cuisses
Intertextualité ou emprunts on ne sait pas mais instinctivement on dit non, ce texte est bien le vôtre chère Louise, pas la peine de nous lâcher l’auteur n’est pas l’auteur, on était branché sur votre webcam quand vous écriviez.
L’enfant n’est pas l’avenir de l’homme
Mais son présent qui ressurgit
On ne se sépare pas de ce qu’on a vu.
Christophe Esnault
Louise Ramier, partition, éditions Louise Bottu, 2019, 129 pages, 14 €.