Après des années de rumeurs, Apple s'apprête donc à lancer sa carte de crédit dans le courant de l'été prochain. Entre les déçus du retour à un instrument de paiement daté et les alarmistes qui y voit un raz-de-marée prêt à submerger les banques, arrêtons-nous un instant sur la manière dont la firme ré-invente la sécurité d'un vieux dispositif.
Commençons par un petit aperçu de l'annonce et, notamment, ce qui justifie que la marque à la pomme se résigne à inclure une carte en plastique au sein d'une offre qui, dans son monde idéal, serait exclusivement déployée sur ses iPhones : aux États-Unis (seuls concernés, pour l'instant), les transactions sans contact sont acceptées dans 70% des commerces, laissant 30% du marché inaccessible aux paiements via un smartphone. La présentation est toutefois très claire, la priorité va à Apple Pay.
La mise en retrait du support qui accompagne nos achats quotidiens depuis une cinquantaine d'années ne signifie pourtant pas qu'il ne mérite pas d'être réactualisé pour l'ère « digitale ». L'ubiquité du téléphone mobile, bien qu'il ne puisse prétendre à le remplacer entièrement, offre également des opportunités de modernisation qui, pour la plupart, ont jusqu'à maintenant échappé aux institutions financières historiques, trop habituées qu'elles sont aux modèles qu'elles ont toujours connus.
Or c'est dans le domaine de la sécurité qu'Apple applique son approche de conception à partir d'une feuille blanche. En l'occurrence, sa carte, sur laquelle est uniquement gravé le nom du porteur, est dépourvue de toute identification bancaire… éliminant de la sorte les risques d'usage en ligne en cas de vol. Toutes les informations de paiement à distance sont, en fait, intégrées à l'application mobile associée, avec un numéro spécifique à chaque appareil et un code de validation (CVV) dynamique logiciel.
À bien y réfléchir, ce choix est doublement pertinent et finit par apparaître comme une évidence. D'une part, il est aligné avec la stratégie centrée sur l'utilisation du téléphone comme moyen de paiement principal. D'autre part, il s'adapte parfaitement aux comportements des consommateurs en 2019 : pourquoi faudrait-il recourir à une carte en plastique pour des achats en ligne alors qu'il paraît tellement plus simple et rationnel de disposer des informations nécessaires sur l'appareil où on les effectue (fréquemment) ?
Prenons ensuite un peu de recul sur la démarche d'Apple, dans laquelle il faut bien voir une attaque en règle du secteur financier traditionnel. En effet, les efforts sur la sécurité, s'ils peuvent surprendre, portent l'ambition de démontrer qu'il est possible d'égaler – voire surpasser – les banques dans le domaine qui est depuis toujours leur qualité première et le critère essentiel de la confiance qu'elles inspirent. Une fois les bases acquises, la transparence exemplaire de la carte (sur les coûts, notamment) est l'argument supplémentaire brandi pour écraser définitivement la concurrence.
Jusqu'où l'intrusion ira-t-elle ? Difficile de le savoir, mais il est impossible de ne pas imaginer d'autres aventures au-delà de la carte de crédit. Les premiers pas dans la gestion de finances personnelles qui l'accompagnent, en particulier, laissent entrevoir d'autres possibilités. Encore embryonnaires, avec déjà une expérience utilisateur plutôt réussie, elles pourraient aisément suivre le même chemin que les explorations engagées du côté de la santé… Alors, à quand le coach budgétaire intelligent d'Apple ?