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Union pour la Méditerranée : Le jour J avec six grands projets concrets...et bien des incertitudes

Publié le 12 juillet 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

Par William PETITJEAN

Union pour la Méditerranée : Le jour J avec six grands projets concrets...et bien des incertitudes

La photo de famille ou de table, aujourd'hui,  au Grand Palais à Paris sera belle et impressionnante. Malgré l'absence provocatrice de Kadhafi et l'empêchement (très diplomatique) de Mohammed VI (représenté par son frère). Déjà, l'Elysée a lancé un vrai mot d'ordre : "Pari gagné» ! C'est vrai. Mais le hors cadre est très chargé de malaises, de doutes, de scepticisme et surtout d'ambigüités. Bien des détails d e forme et de fond restent à régler. Et depuis le célèbre discours de Tanger, le 23 octobre 2007 (très marqué par une générosité très ...égotiste et par les fantasmes anti-communautaires du conseiller souverainiste  trop écouté Henri Guaino) le "grand projet" est devenu plus modeste. Heureusement d'ailleurs : ses bonnes intentions originelles auraient eu des conséquences très néfaste pour l'Union européenne...et pour les relations euro-méditerranéennes..

Union pour la Méditerranée : Le jour J avec six grands projets concrets...et bien des incertitudes

Paris a du tenir compte de ses partenaires. Et c'est bien. Guaino alimentait  trop ses rêves méditerranéens de nostalgies postcoloniales très archéo-françaises et partait de postulats faux : les riverains de ce berceau de la civilisation européenne au carrefour de trois continents ne sont pas les seuls  concernés par la Mer méditerranée. Une Union entre deux rives ne se construit pas sur un schéma dessiné par une seule. Dénoncer "l'euro-bureaucratie" ne suffit pas à expliquer les insuffisances des résultats du processus de Barcelone. Créer une nouvelle dynamique euro-méditerranéenne ne se fait pas en ignorant ce qui a déjà été réalisé. Surtout, il ne suffit pas de faire de belles déclarations pour pouvoir entreprendre de bonnes actions.

"Du multilatéralisme bling-bling", ont ricané des gens qui ont de vraies expériences euro-méditerranéennes. "Une usine à gaz qui fonctionne avec du vent", ont plaisanté des  experts. "Une exposition d'arrières pensées qui ne correspondent en rien  à nos besoins", se sont écriés des dirigeants de la rive Sud.

Union pour la Méditerranée : Le jour J avec six grands projets concrets...et bien des incertitudes

Heureusement, Angela Merkel sait marier idéal et réalisme, faire preuve de cohérence et de montrer une véritable autorité : "Si les Etats riverains de la Méditerranée devaient constituer une deuxième union totalement différente, cela risquerait de constituer une épreuve difficile pour l'Europe.", lance-t-elle le 6 décembre 2007 lors d'une conférence de presse avec Sarkozy.

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Heureusement encore, les pays du nord et de l'Est ont su défendre leurs intérêts (et ceux de l'Union). Romano Prodi et José Luis Zapatero ont réussi à faire accepter à Sarkozy que son projet méditerranéen "n'a pas vocation à se substituer" aux acquis du Processus de Barcelone, "mais à les compléter». La Commission, en dépit de la complicité mutualisée de Sarkozy et de Barosso, a su rappeler qu'elle doit rester au cœur des actions communautaires.

Et coté français, Jean-Pierre Jouyet, en bon disciple de Delors, et quelques bons diplomates (comme Jean-David Levitte et de l'ambassadeur Alain Le Roy) ont su éviter des crises graves, corriger ce qui pouvait l'être et redonner au dessein sarkozien une dimension compatible avec la volonté de doter l'Union européenne d'une consistance politique.

Mais ce sommet de Paris restera d'abord comme l'aboutissement d'un bien mauvais feuilleton diplomatico-politique. Qui n'a guère été à l'honneur des services élyséens actuels. " On  avait le sentiment que les gens de l'Elysée ignoraient ce qui avait été réalisé depuis douze ans par l'Europe, en direction du Sud et surtout qu'ils n'avaient aucune connaissance réelle des mécanismes européens, y compris de ceux adoptés sous influence française", résume un Commissaire pourtant réputé pour ses sympathies envers la France." c'est fou comme le personnel politique français est en permanence tenté par la tentation de faire du neuf en faisant table rase de ce quie existe et fonctionne bien. Jeter le bébé avec l'eau du bain est une formule très parisienne"...

Qui plus est, le dessein français se heurtait de plus en plus au dessin que les pays du Sud voulait esquisser. "Les Européens ne pensent qu'à leur propre sécurité. Sarkozy ne songe qu'à la Turquie et à l'immigration. Et nous nous voulons d'abord des visais et du développement", résume un diplomate du Maghreb. "Nous ne dirons jamais « non » à des leviers de développement et d'échanges supplémentaires. Mais regardez les chiffres : la Méditerranée est d'abord un fossé, avec des riches au nord et des pauvres au sud. La priorité des priorités, c'est celle-là, pour nous. Vos discours sur les droits de l'Homme et la pollution sont très bien, mais nos oreilles ont faim d'autres choses"

Cela explique que derrière les formules généreuses et riches d'espérances qu'exprimera sans aucun doute la déclaration de Paris aujourd'hui, bien des incertitudes risquent de ne pas être levées en quelques heures d'ultimes discussions au sommet et en coulisses.

Dans une interview passionnante (et très critique) au site Euractiv.fr, la spécialiste du sujet à l'Ifri, Dorothée Schmid, en énumère quelques uns :

1/ Où sera le siège de l'Union Pour la Méditerranée ? Le choix sera symbolique et très politique

Pendant plusieurs mois, Tunis semblait tenir la corde. Aujourd'hui, c'est apparemment Barcelone la favorite. Mais rien n'est tranché.

2/ Comment seront financés les projets ? La question essentielle...

Ils coûtent chers (le budget d'un premier projet de dépollution s'élèverait, par exemple, à deux milliards d'euros). Or la Commission Européenne et les grandes capitales refusent que cet argent soit prélevé sur les sommes allouées à la politique de voisinage (et consacrées aux pays de l'Est de l'Europe).A l'Elysée, on assure que le financement sera en grande partie privé, sans en dire plus. Sans expliquer, par exemple, pourquoi le privé accepterait d'investir dans des projets d'infrastructure, qui sont, en général, financés par des fonds publics.

3/ Quel rôle jouera la commission européenne ? Un enjeu majeur pour l'Unio de demain

Là encore, selon Dorothée Schmid, rien n'est décidé. On ne sait pas si finalement Bruxelles aura un rôle de coordination ou de simple assistance. Plus généralement on ignore comment l'UPM s'insérera dans la structure de l'Union Européenne. Et comment seront coordonnés les travaux avec le "secrétariat" Paris voudrait que, quelqu'en soit son siège, le secrétariat de l'UPM joue un rôle politique, alors que Bruxelles entend qu'il se cantonne aux aspects purement techniques.

5/ L'UPM est-elle la suite du processus de Barcelone ou pas ? On en revient à la fausse bonne idée du départ

Paris demeure ambigu à ce sujet. Officiellement le projet s'appelle toujours "Processus de Barcelone : Union Pour la Méditerranée." Mais Henri Guaino, le parrain de l'UPM à l'Elysée, continue à faire savoir qu'il ne considère pas ce projet comme la suite du processus de Barcelone, que "les Français jugent totalement discrédité". Même Kouchner, paraît-il, serait de cet avis. Dans son discours-programme devant le Parlement européen, Sarkozy n'a rien dit de très précis. Il a seulement noté, en réponse à une question de Cavada, que la conférence de paris regroupait plus de chefs d'état et de pays que le processus de Barcelone. Attendons ce qui va se dire dans les heures qui viennent

Il est sûr, en revanche, que l'Union pour la Méditerranée a pour objectif d'ouvrir une nouvelle étape de la coopération en Méditerranée, en donnant une nouvelle forme au processus inauguré à Barcelone en 1995. De cela personne ne peut se plaindre sauf si le montage final s'avère aussi peu soutenu que les objectifs de Barcelone. En cette affaire comme dans d'autres (dans la stratégie de Lisbonne notamment), la volonté politique de se donner les moyens de ses ambitions est plus importante que le coté institutionnel ou organisationnel du "chantier"

On insiste, coté français, sur le fait que l'UPM vise, "au-delà de la coopération déjà existante, à instaurer une gouvernance partagée,  à créer des solidarités de plus en plus étroites à travers des projets concrets de dimension régionale" et à mettre en œuvre "un véritable partenariat égalitaire entre les deux rives".

Pour Paris, les trois principales "valeurs ajoutées" du projet d'Union pour la Méditerranée au regard de l'actuel Processus de Barcelone consistent donc en :

- une forte impulsion politique au plus haut niveau, avec le principe de Sommets de chefs d'Etat et de gouvernement tous les deux ans dont le premier se tient le 13 juillet 2008 à Paris ;

- une gouvernance partagée pour un partenariat égalitaire et dans un esprit de co-décision entre ses membres, via une co-présidence, assurée conjointement par un pays membre et un pays non-membre de l'Union européenne, et un secrétariat permanent également paritaire. Cette structure de direction, légère et opérationnelle, composée de personnes issues paritairement des pays du nord et du sud de la Méditerranée, donnera corps à ce partenariat ;

- le lancement de grands projets concrets et fédérateurs de dimension régionale. Ces projets seront ouverts à tous les partenaires qui le souhaiteront et seront mis en oeuvre selon le principe de la géométrie variable. Ils impliqueront le secteur privé qui, depuis le début manifeste dans tous les pays méditerranéens son intérêt pour cette initiative. La réalisation de ces projets associera des financements publics et privés, et ne se limitera pas aux financements communautaires.

Le Conseil européen des 19 et 20 juin 2008 a engagé des négociations avec tous les pays appelés à être membres de l'Union pour la Méditerranée afin de définir les règles de fonctionnement et de compétence des nouvelles institutions.

Il s'agit d'une nouvelle dynamique, partant de projets concrets, de solidarités de fait, qui doivent contribuer au rapprochement entre pays méditerranéens et pays européens.

Ces projets seront à géométrie variable avec les Etats qui souhaiteront y participer en fonction de leur intérêt propre.

Ils ont vocation à être élaborés et mis en oeuvre avec le concours de l'ensemble des acteurs intéressés, en particulier les collectivités locales et régionales, les entreprises privées, les associations et ONG, les universités, les centres de recherche et de formation, les fondations, etc.

Le Sommet du 13 juillet donnera la priorité à 6 grands projets :

- l'environnement et le développement durable, axés sur les actions de dépollution en Méditerranée. Le projet "Horizon 2020" déjà identifié va pouvoir être lancé grâce à l'implication de l'Union pour la Méditerranée et les nouveaux financements qu'elle va permettre. Ces actions viseront également à la protection du littoral et des zones marines ;

- les transports avec notamment le plan de développement des autoroutes maritimes reliant Méditerranée orientale et occidentale, notamment par une meilleure connexion des ports et par des actions particulières en faveur de la sécurité maritime;

- un réseau méditerranéen de protection civile qui permettrait de mieux mutualiser les moyens de lutte contre les risques naturels (incendie, tremblement de terre, tsunami), notamment en matière de prévention des risques ;

- les énergies alternatives, en particulier solaire. Les partenaires de l'Union pour la Méditerranée oeuvrent également à l'élaboration d'un plan solaire méditerranéen, afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre, de réduire la vulnérabilité du système énergétique et de renforcer l'accès à l'énergie des populations isolées ;

- l'éducation supérieure et la recherche. Des projets portent, par exemple, sur la création d'un espace universitaire et de recherche méditerranéen grâce à la mise en réseau des universités, des centres de recherche et des académies des sciences ;

- une initiative dédiée au développement des micros, petites et moyennes entreprises, qui proposerait des programmes d'assistance technique et l'appui d'instruments financiers.

Par ailleurs, de nombreux autres secteurs d'intervention pourront faire l'objet de propositions d'action dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée, dans les prochaines années :

- l'accès et la gestion de l'eau, qu'il s'agisse d'eau potable, d'irrigation ou d'eaux industrielles. 70 % de l'eau consommée en Méditerranée est utilisée pour l'irrigation. La désertification progresse non seulement au sud de la Méditerranée, mais maintenant au nord. Il s'agirait de mettre en place une stratégie de l'eau en Méditerranée avec une gestion efficiente et durable des réserves en eau et une coordination des bailleurs de fonds et des pays concernés ;

- la formation professionnelle valorisant les parcours qualifiants, en trouvant des lieux de stage intégrant les mutations technologiques, en étendant les expériences réussies et en créant des outils de mutualisation et de diffusion interactive des modules les plus demandés ;

- les échanges de jeunes. Le volume actuel des échanges de jeunes dans la région méditerranéenne est extrêmement faible. Il s'agirait de développer des synergies entre les différentes structures existantes, et disposant d'un budget significatif permettant de démultiplier le volume actuel des échanges ;

- dans le domaine de la santé, et plus particulièrement la modernisation des services publics de santé en Méditerranée, en développant notamment la téléassistance médicale ;

- sont aussi concernés l'agriculture, le développement urbain et l'aménagement du territoire, les TIC, la coopération audiovisuelle et cinématographique, les échanges culturels, le tourisme, les questions relatives à la justice et au droit, etc.

Chaque projet devra trouver son propre financement. Les fonds communautaires (Instrument européen de voisinage et de partenariat en particulier) pourront être sollicités dès lors que les projets répondent aux objectifs et conditions de ces dispositifs. Bien d'autres sources de financement, déjà présentes sur la zone, seront également et largement recherchées : bailleurs de fonds internationaux (Banque Européenne d'Investissement, Banque Mondiale, Banque Africaine de Développement, etc.) et agences de développement (Agence Française de Développement, KFW allemande, agence de coopération espagnole, etc.), secteur privé, coopérations bilatérales, etc.

Espérons que dans ces belles perspectives, la coopérarion culturelle ne sera pas trop oubliée. ou repoussée  dans un avenir lointain Le centre Nord-sud du conseil de l'Europe fait un travail considérable qui pourrait être amélioré avec des moyens supplémentaires, nombres d'instituts universitaires et autres ne demandent qu'à se développer, des associations et des ONG, organisées en  réseaux (comme celui du parlement culturel méditerranéen lancé fin juin à Strasbourg) ne doivent pas être laissées sur le bord des autoroutes de ces "grands projets"....

Les intentions de ce super-sommet de Paris sont louables; c'est incontestable.Mais la réussite de ce Sommet ne pourra se mesurer qu'à travers ses applications. C'est une évidence que ne feont poublier ni les beaux discours ni la suoerbe photo de famille...

William PETITJEAN


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