Pays

Dame Troyenne me traduisait les glapissements de ses compatriotes, qui sont venus avec leurs patates, leur tabac à rouler et leur gouda. Pas chiches sur la bibine, par contre, ni sur les demandes spéciales. C'était toujours « country-music ! mooore country-music ! ». Moi ça me tuait parce qu'avec tout le vélo, ma main gauche ne veut pas tenir un FA. Et sans FA, beeeh, y a pas de country-music ! Alors, je les ai toutes jouées, toutes celles que je savais, les Guthrie, les trads, tout, avec le muscle qui tremble et une ou deux cordes étranglées à chaque coup… À la fin, j'ai commencé à tricher doucement en enchaînant avec Otis et les autres, chantées avec pas mal de twang. Puis de plus en plus de Wilson et de Sam & Dave. La Locale coulait à flots, le whisky rouge ruisselait, je zappais mes verres entre les chansons, trois quatre campeurs sont arrivés avec des grattes, des poubelles en guise de congas, la Troyenne faisait pisser la gnôle et nous faisions calypser la gnose, du gospel au bayou… Les français ont jamais entendu CCR, pensent que ce sont mes compos, mais les Neerlanders connaissent, adorent, m'invitent chez eux, me tapent sur les cuisses, nous sommes tous cuits et l'orage valse en tous sens autour du snackbar, c'est trop Cubain comme plan, faut que je fasse Hasta Siempre, Guantanamera… versions blues. Je retrouve plus comment faire, ce matin. Pas grave. Pas grave. On dirait que je vais devoir passer par la Hollande.© Éric McComber