Disponible depuis le 13 mars dernier sur Netflix, Triple Frontière est un thriller d’action réalisé par J.C. Chandor (Margin Call, All is Lost, A Most Violent Year) et produit, notamment, par Kathryn Bigelow (Point Break, Démineurs, Zero Dark Thirty…). L’histoire prend place à la frontière du Paraguay, de l’Argentine et du Brésil, et retrace le périple de cinq anciens soldats, interprétés par Oscar Isaac, Ben Affleck, Charlie Hunnam, Garrett Hedlund et Pedro Pascal, aux prises avec un important baron de la drogue.
A l’instar de ses précédentes réalisations, J.C. Chandor livre, avec Triple Frontière, un film qui brille principalement par la finesse de son écriture, la sobriété de sa mise en scène et l’incarnation de ses personnages. Sous ses allures de divertissement d’action musclé, le long-métrage dresse en effet le portrait sans concession de soldats complètement laissés-pour-compte, abandonnés par un pays pour lequel ils ont absolument tout donné. Profondément humain, le récit a la bonne idée de ne pas s’enliser dans une dynamique purement manichéenne, préférant au contraire explorer l’ambivalence morale qui anime ces guerriers de l’ombre. En cela, le film s’avère particulièrement fascinant puisqu’il donne à voir une réalité des plus cynique, abordant les facettes les plus obscures de l’homme sans pour autant négliger ses gestes de bonté. Il est d’ailleurs intéressant de noter que tous les ressorts dramatiques du scénario sont intégralement issus de décisions humaines, et non de circonstances fortuites. Une bonne manière de rappeler que tous les choix ont des conséquences, et peut-être encore plus lorsqu’ils sont motivés par la cupidité ou le manque d’empathie.
Extrêmement référencé, le long-métrage navigue habillement entre plusieurs genres, lorgnant tour à tour du côté du film de braquage, du divertissement d’action ou encore du drame intimiste. Il en découle, dès lors, une œuvre singulière, capable autant de séduire dans certains segments que de refroidir dans d’autres. Si cette singularité aura, à juste titre d’ailleurs, raison de certains spectateurs venus chercher autre chose, elle satisfera néanmoins beaucoup d’autres par la richesse insoupçonnée qu’elle apporte au projet. A travers cette course aux dollars atypique, le film fait effectivement la lumière sur des personnages plus complexes qu’on aurait pu le penser au départ. Formidablement incarnés, ils dégagent tous une incroyable gravité, un élément particulièrement salutaire à l’heure où la plupart des productions se sentent obligées d’enchaîner les blagues lourdingues sans intérêt. Enfin, si la réalisation de J.C. Chandor ne révolutionne certainement pas le genre, elle fait tout de même montre d’une belle efficacité. Sobre et élégante, elle confère aux images (magnifiques soit dit en passant) toute la tension et la nervosité qu’elles méritent.
Fidèle à ses habitudes, J.C. Chandor signe donc, avec Triple Frontière, un thriller d’action haletant et finement écrit, dont la sobriété n’a d’égal que l’élégance. Emmené par un casting impérial, le film emprunte les sentiers battus avec une telle virtuosité que ce qui aurait pu être un banal divertissement s’impose au final comme un véritable petit bijou, certes classique, mais terriblement efficace.