Une tendance commune à l'ensemble du secteur financier se reflète dans l'exploration, à des degrés divers, des opportunités de la banque prédictive ou comment, en anticipant l'évolution de leurs comptes, il devient possible de mieux conseiller les clients. L'exemple le plus classique est la projection des dépenses habituelles sur la situation courante qui permet de détecter un risque de découvert et déclenche alors l'émission d'une alerte ou, encore mieux, un virement automatique depuis une réserve d'urgence.
À y regarder de près, ce type d'approche représente l'archétype d'une démarche de design puisque, fondamentalement, celle-ci consiste à identifier un besoin (explicite ou implicite) de l'utilisateur puis à lui apporter une solution optimale. En l'occurrence, les techniques d'analyse de données et d'intelligence artificielle offrent aujourd'hui de puissants moyens de sonder les exigences du client avant même qu'elles ne se matérialisent, ce qui constituerait, d'une certaine manière, le but ultime de la discipline.
Ce concept est ce que Manrique García nomme le design d'anticipation, qu'il imagine notamment d'intégrer à l'outil de gestion de finances personnelles (PFM) de BBVA, Bconomy. Au bout de sa logique, il ne serait plus seulement question de fournir au consommateur un assistant qui l'aide à maîtriser son budget mais également de mettre en place des mécanismes autonomes qui agissent au mieux de son intérêt dès que nécessaire. Émerge ici l'idée d'une banque placée sur pilote automatique.
Cependant, un tel concept ne peut rencontrer le succès que s'il est accepté sans réserve par les clients, ce qui implique que ces derniers en appréhendent totalement la valeur et accordent une confiance quasi-aveugle au dispositif et à la banque qui le leur propose. C'est une autre facette de leur expertise – beaucoup moins visible, jusqu'à être fréquemment oubliée – que les professionnels du design doivent déployer pour relever ce défi, dont la réponse passe par la clarté et la transparence absolue de l'approche.
Avant de se lancer éperdument dans une automatisation à outrance, il faudra donc d'abord bien comprendre les réticences et les objections possibles, ce qui sera d'autant plus difficile qu'elles seront probablement différentes pour chaque individu. A minima, et pour commencer, Manrique García recommande une transition progressive dans laquelle l'utilisateur a toujours le contrôle final sur le degré d'autonomie qu'il accorde au système, tout en bénéficiant en permanence d'explications précises sur ses options.
En d'autres termes, l'angoisse qui règne dans la plupart des institutions financières d'un rejet cinglant par les consommateurs d'applications qu'ils considéreraient excessivement intrusives ne peut se résoudre que par la mise en œuvre de « design thinking », dans un domaine qui, bien que moins excitant, est certainement encore plus important que la conception de nouveaux services. L'exercice demande la même attention à la perception de la proposition de valeur par l'utilisateur, en se glissant dans sa peau.