Quatrième de Couverture
23 décembre 1980. Un crash d'avion dans la Jura. Une petite libellule de 3 mois tombe du ciel, orpheline. Deux familles que tout oppose se la disputent. La justice tranche : elle sera Émilie Vitral. Aujourd'hui, elle a 18 ans, la vie devant elle mais des questions plein la tête. Qui est-elle vraiment ?
Dix-huit ans que Crédule Grand-Duc, détective privé, se pose la même question. Alors qu'il est prêt à abandonner, la vérité surgit devant ses yeux, qu'il referme aussitôt, assassiné.
Il ne reste plus qu'un vieux carnet de notes, des souvenirs, et Marc, son frère, pour découvrir la vérité.
Mon avis
Lylie est une jeune fille de 18 ans qui a grandi avec un doute ultime sur son identité : seule rescapée d’un crash d’avion, elle aurait pu être le nourrisson de deux familles présentes à bord. À une époque où les tests ADN ne pouvaient être utilisés, c’est la justice qui a tranché et choisi son identité. Seulement, aujourd’hui, le doute l’étreint plus que jamais, à l’âge où savoir qui l’on est devient crucial et où les événements qui s’enchaînent tendent à enfin expulser les secrets de chacun.
Un avion sans elle est un livre que j’ai lu en une journée, d’une traite, sans pouvoir le lâcher tant que la dernière page n’était pas tournée. Bonne chose, non ? Pas vraiment, parce que c’est mon côté critique qui m’a poussée à aller au bout, à vite me débarrasser d’une écharde pouvant d’infecter.
Michel Bussi écrit bien, la forme est belle, rythmée, ses mots sont bien choisis et très agréable à la dégustation. Mais il n’y a que cela qui est agréable. Pour le reste… Il est de ces auteurs qui agacent. Il tient une histoire, qu’il tricote en rajoutant des mailles grossières, non soignées mais qui prennent de la place pour combler les blancs, qui n’apportent rien au motif général si ce n’est de l’incohérence. Il tricote des stéréotypes à travers ses personnages, les codes des romans policiers mais aussi des pseudos-suspenses. Il use de ficelles trop grosses, en rajoute uniquement parce que cela l’arrange, aussi, et se plait sûrement à se dire « ah mais j’avais mis des indices ». Oui, les indices y étaient, et c’était bien là le problème…
Le problème est que j’ai deviné les deux dénouements clés de l’histoire avant même d’avoir atteint le premier quart du roman. Je les ai devinés parce que les twists n’ont rien d’innovants, parce que ses ficelles étaient grossières. Et j’ai détesté ce roman non pas parce que j’avais deviné mais par rapport à ce que j’avais deviné…
Comprendre le dénouement d’une intrigue dix fois « trop tôt » n’est pas un problème pour moi, c’est même souvent une situation prévue par les auteurs : le lecteur a ses certitudes, elles collent mais il y a toujours des détails qui manquent, des mécanismes qui se mettent en place uniquement à la touche finale. Et c’est très agréable d’être surpris tout comme de se dire « ah j’avais deviné mais c’était tellement bon ! »
Ici, Michel Bussi ne s’embarrasse pas avec la cohérence, il part du principe qu’il y avait de quoi comprendre au début (ou pas, ce n’est peut-être que présomption de ma part) et se dit que ça peut justifier son twist final. Il se dit aussi que, après tout, il y a en plus d’autres choses qui peuvent se justifier par la même occasion et donc tout roule. Et ça, ça ! Non, je n’adhère pas à cette façon de concevoir un scénario. Que son lectorat aime, je n’y vois pas de problèmes, mais moi, ça ne fonctionne pas. Je n’aime pas qu’on me balade pour de faux prétexte, qu’on me force à avaler des longueurs qui pourraient tout aussi bien être coupées au montage sans que rien ne bouge autour. Combler pour combler, ça m’exaspère. Même si c’est bien écrit : on peut savoir très bien écrire sans faire naître chez moi une once d’émotion si le cœur n’y est pas.
Et puis il y a ses personnages, les stéréotypes qu’il expose et qui ne m’ont pas plu. Ils ne sont pas trop poussés, pourtant, ils ne sont pas exagérés. Ils sont comme la société peut voir les gens en apparence : des fous, des héros, des grands vilains riches, des gentils pauvres qui sont heureux d’amour… Aucun des personnages ne m’a semblé palpable, et ça a aussi beaucoup joué dans le fait que je n’ai pas apprécié ce livre.
Lylie, personnage principal en théorie, est présentée comme ces héros distants, ceux qui acceptent leur destin avec fatalité, comme les souffrances qui vont avec. Cette image en fait une sorte de divinité antique irréelle, intouchable… Et tout sauf touchante par extension. Elle est cette image divine que peut avoir un adolescent amoureux d’une fille de sa classe à qui il n’ose jamais parler et qui lui offre un sourire en copiant ses devoirs. Il y a quelque chose de gênant dans cette image, vis-à-vis de la façon dont elle est décrite ; belle, intelligente, intouchable, trop bien pour tous… À croire qu’un personnage féminin ne peut qu’être comme ça pour être digne d’être l’héroïne ultime d’une histoire aussi fantastique. Autour d’elle, les autres personnages féminins sont dotés de défauts mis en avant pour les rendre humains. Elle, elle est parfaite. Sûrement parce que son humanité n’est pas acceptable tant que son identité n’est pas avérée. Une chose assez triste quand on sait que l’être se construit après sa naissance et non avant : le message véhiculé là me dérange un peu.
Marc, le véritable héros, celui qui trime, qui est censé être attachant, qui effectue ses douze travaux pour enfin pouvoir aider Lylie m’a dégoûtée du début à la fin. Insupportable, faussement niais (et pas sûre que ce soit volontaire de la part de l’auteur), complètement creux et assez dérangé dans sa tête finalement, n’a rien d’un héros à mes yeux. Le suivre m’a littéralement gavée. Comprendre ce qu’il se passait réellement dans sa tête m’a exaspérée. L’essence même de ce qu’il est m’a fait détester le livre.
Les autres personnages sont tout aussi chimériques. Et pas de façon agréable. J’aime aussi quand les personnages sont intouchables, quand ils semblent irréels… Mais là, ça ne collait pas.
Et puis, il faut que je le dise, que je l’aborde et je préviens, il s’agit d’un gros spoiler que je mets en italique parce que je ne sais pas comment masquer sur blogger :
Cette histoire d’inceste avec cette grossesse que j’ai captée dès le départ, c’est tout ce que je déteste. L’inceste ne me fait pas rêver, évidemment, mais c’est surtout cette façon de décrire ça comme quelque chose sans gravité parce qu’au final, il n’y a pas de lien de sang qui m’écoeure. Ces gamins ont grandi ensemble. Malgré le doute, qu’ils n’avaient sûrement pas au tout départ, ils ont grandi ensemble. Le fait que Marc culpabilise ne se ressent pas ou très peu. Cette relation est normalisée et c’est grave. C’est grave parce qu’on a l’impression que Lylie accepte la situation sans le vouloir, qu’elle laisse Marc l’aimer et basta, puisque de toute façon il la colle au train sans arrêt. C’est pervers, c’est malsain, c’est ignoble.
Et justifier tout un putain de roman avec un scénario inutile et incohérent pour ça, c’est se moquer du monde. C’est prendre son lecteur pour une bille utilisant la troisième famille en un claquement de doigt (et ça aussi, je l’avais compris dès le départ). Mettre trois indices plus gros qu’un cul de vache dans un trou de mulot au long du récit pour dire « mais hey si ça colle regardez » ce n’est pas ce que j’appelle maîtriser l’art du roman policier. Que ça fonctionne auprès du lectorat, tant mieux, mais ça ne fait pas de ce livre un bon livre.
Je lirai peut-être un autre roman de Michel Bussi mais je pense que je ne me ferai pas l’affront d’aller une nouvelle fois jusqu’au bout si je sens que les mécanismes utilisés dans ce roman sont en fait sa signature constante. Le bien que j’ai entendu de ses écrits ne peut quand même pas sortir de nulle part et je vais tabler sur le fait que Un avion sans elle a simplement eu le malheur d’appuyer sur ce que je n’apprécie pas.
Je ne regrette pas d’avoir lu ce livre parce que j’étais bien contente de participer à une lecture commune et je regarderai la série qui semble annoncer une adaptation plutôt libre. Si vous souhaitez vous lancer, je vous conseille juste de ne pas chercher à comprendre ce qu’il se passe : le moindre indice récolté gâche tout, malheureusement. Je maintiendrai quand même qu’un bon roman policier est un roman où même le dénouement deviné en amont sait surprendre pour les bonnes raisons.