Fête du Court-Métrage, jour 5 : le cinéma expérimental.
Bonjour Billy et bienvenue au 7ème Café ! Du 13 au 19 mars, la France organise la Fête du Court-Métrage, un évènement national à la portée internationale qui a pour but de faire découvrir ou redécouvrir le format court. Plus de 190 films, 4000 lieux et 35 villes partenaires, des animations, des projections, des débats… Pour tout savoir et connaître ce qui se passe près de chez toi, je t’invite à aller visiter le site officiel : https://www.lafeteducourt.com/. Pour nous, ça va être l’occasion de faire un petit tour chez les moins de 30 minutes : 7 jours, 7 courts, 7 genres et styles différents. Aujourd’hui on se penche sur le cinéma expérimental avec le dernier opus d’une quadrilogie étrange et intrigante, qui fait partie de la sélection officielle de la Fête : Planet ∞ de Momoko Seto.
Bande-annonce ci-dessous, le film complet est disponible le temps du festival à cette adresse : https://en.unifrance.org/movie/44090/planet-%E2%88%9E
Le terme « cinéma expérimental » peut faire grincer des dents lorsqu’on n’est pas habitué à la chose. On a tôt fait de s’imaginer des délires psychédéliques à la Salvador Dali ou des histoires sans queues ni têtes filmées dans tous les sens, bref des démarches artistiques perturbantes inaccessibles au commun des mortels. Cependant, il ne faut pas réduire la forme à cela et les films expérimentaux sont capables de fournir autant d’expériences – puisque c’est dans le titre même du genre – intéressantes que de déconvenues incompréhensibles. Après tout, tout type de film a été expérimental un jour avant d’être démocratisé ! Et puis surtout, c’est un arrêt incontournable pour notre tour d’horizon du cinéma court : qui dit expérimental dit souvent peu de moyens, et qui dit peu de moyens dit souvent court-métrage.
Cette Fête du Court-Métrage 2019 est donc l’occasion de faire la rencontre de Momoko Seto, une artiste franco-japonaise qui réalise des courts expérimentaux en parallèle de son travail de réalisatrice pour le CNRS. Elle est représentée cette année par son dernier court-métrage, Planet ∞, dernier opus d’une saga pour le moins étrange et poétique. La Quadrilogie des Planètes, comme je l’appellerai, a été initiée en 2008 avec Planet A, puis continuée en 2011 avec Planet Z, encore en 2015 avec Planet Σ et enfin en 2017 avec notre Planet ∞. L’idée derrière chacun de ces films est d’extraire la beauté de la laideur en filmant des bactéries et des organismes (pousses, champignons) ou des phénomènes naturels microscopiques (la formation de cristaux de glace) pour découvrir notre monde sous un œil nouveau et voir que notre Terre semble parfois peuplée de vie extraterrestre. Seto cherche à offrir au spectateur une expérience dénuée de tous repères spatiaux, temporels ou même des limites posées par le média cinématographique comme nous allons le voir aujourd’hui.
Le court-métrage nous emmène donc dans un voyage muet à travers un univers en décomposition où prolifèrent les trompettes de la mort et les carcasses d’insectes desséchés. Soudain, un déluge de pluie pourpre s’abat pour inonder la planète. Une nuée de coccinelles tombe du ciel. Dans l’océan nouveau-né, la vie apparaît sous la forme d’énormes têtards carnivores qui nous entraînent peu à peu vers le fond. Là, dans le noir total, étincellent peu à peu des colonies stellaires de bactéries qui laissent finalement place dans une transition formidable aux champignons qui ouvraient l’œuvre. La boucle est bouclée. L’histoire de la vie, le cycle éternel.
Le gros atout de Planet ∞, et peut-être ce qui le rend fondamentalement expérimental, est le fait que ce soit un film en réalité virtuelle. En tant que spectateur, on adopte donc le point de vue de la caméra, et on peut l’orienter à volonté dans toutes les directions. C’est en cela que le court-métrage se libère des contraintes cinématographiques de cadre : nos yeux sont écrans, et les mouvements de notre souris remplacent travellings et panoramiques. On se retrouve donc en immersion totale sur cette planète alien dans un film qui se veut expérience perceptive et sensorielle. C’est précisément en te donnant libre court, mon cher Billy, pour observer l’environnement qui t’entoure jusqu’à l’horizon, que Planet ∞ offre l’accès à son infinité éponyme.
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Il pleut des coccinelles, alléluia !— Arthur