Fête du Court-Métrage, jour 4 : Oats Studios.
Bonjour Billy et bienvenue au 7ème Café ! Du 13 au 19 mars, la France organise la Fête du Court-Métrage, un évènement national à la portée internationale qui a pour but de faire découvrir ou redécouvrir le format court. Plus de 190 films, 4000 lieux et 35 villes partenaires, des animations, des projections, des débats… Pour tout savoir et connaître ce qui se passe près de chez toi, je t’invite à aller visiter le site officiel : https://www.lafeteducourt.com/. Pour nous, ça va être l’occasion de faire un petit tour chez les moins de 30 minutes : 7 jours, 7 courts, 7 genres et styles différents. En ce beau samedi, j’avais envie de faire un détour vers un petit studio de production indépendant que j’apprécie beaucoup : Oats Studios et son premier film, Rakka.
Tu connais Neill Blomkamp, Billy ? C’est le réalisateur auquel on doit les films de science-fiction District 9, Elysium et Chappie. En 2017, il a fondé un petit studio cinématographique indépendant du nom de Oats Studios, qui produit à intervalles plus ou moins réguliers des courts-métrages, majoritairement de science-fiction, expérimentaux. La raison officielle de la création d’Oats, c’est fournir un « bac à sable » avec totale carte blanche à Blomkamp pour qu’il puisse tester ses idées, les soumettre au public et étudier les retours pour savoir si les courts pourraient devenir des longs-métrages. La raison officieuse, c’est que quelques mois avant ça, il s’est fait virer de la production du très attendu Alien 5 au profit du retour de Ridley Scott dans sa propre franchise avec Alien : Covenant, et qu’il avait un peu les boules.
Force est de constater que l’influence de la saga du xénomorphe est intensément palpable à travers les premiers courts d’Oats, et tout particulièrement dans Zygote et Rakka. Néanmoins, réduire le studio à un substitut d’Alien 5 serait un peu trop facile, car c’est en réalité bien plus que ça. Oats Studios, c’est un nouveau modèle culturel à part entière : Blomkamp rend disponible gratuitement ses travaux sur YouTube et Steam, pour tester l’appréciation du public. Ce sont toujours des extraits, des pistes de réflexions, des sketchs ou de simples scènes qui visent à déterminer l’intérêt que les spectateurs auraient pour voir l’histoire en entier sur grand écran. On trouve ainsi des parodies d’émission de cuisine, des sketchs où Dieu joue avec le monde, des films en pseudo-réalité virtuelle ou en images de synthèse… Bref, c’est un bac à sable expérimental, mais certainement pas amateur.
Rakka est une histoire de science-fiction. On se retrouve plongé au cœur d’une planète Terre en 2020, envahie par des extraterrestres reptiliens esclavagistes ayant bâti d’immenses tours noires cracheuses de méthane qui polluent l’atmosphère. On est directement immergé au cœur du récit, par une narration in medias res, mais le film est déconstruit ; comme je l’ai dit précédemment, ce sont des extraits d’histoire pour donner un aperçu. On rencontre des personnages – dont Jasper, jouée par Sigourney Weaver, quand je te dis qu’il y a des liens avec Alien -, on découvre la situation, en donnant juste assez d’éléments pour qu’on s’y retrouve à peu près mais en posant juste assez de questions pour qu’on ait envie d’en voir plus.
Mais jamais ô grand jamais on a l’impression de regarder un prototype expérimental. Neill Blomkamp est un artiste et ça se voit : la cinématographie est ahurissante, les effets spéciaux absolument à couper le souffle. Sur le plan technique, il n’y a rien à redire. Rakka est juste une merveille visuelle dans la lignée des longs-métrages du réalisateur (District 9 vient particulièrement à l’esprit), et ne démérite pas face à ses collègues longue durée.
En plus d’en mettre plein les yeux, Rakka est aussi doté d’un scénario génial qui mêle SF et film de guerre, traçant une très juste métaphore entre les effroyables aliens envahisseurs et l’État Islamique, mise en exergue par le titre même du court-métrage ; Rakka ayant été, avant sa libération en octobre 2017, la capitale de Daesh en Syrie. On est donc face à un film, certes incomplet, mais intriguant, mystérieux, magistralement réalisé et formidablement construit qui a autant à offrir sur le plan visuel que sur le plan narratif.
Quand on voit ça, on se dit que c’est quand même bien dommage que Blomkamp ne réalisera jamais son Alien.
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— Arthur