Je ne peux pas croire qu’il n’y ait pas
un autre monde où, assis, nous
nous lirons de nouveaux poèmes, l’un à l’autre
en haut d’une montagne et sous le vent.
Toi tu seras Tu Fu et moi Po Chü-I
Et sur la lune, y’aura la Femme Singe,
Riant à la vue de nos têtes mal assorties
Alors que nous observerons la neige
se déposer sur une brindille.
Ou bien aurons-nous vraiment disparu ? l’herbe
d’aujourd’hui n’est plus ce qu’elle était !
Et si la lune, quand elle se lèvera
Ce soir, est vide — mauvais augure
Qui veut dire : « tu pars, comme les fleurs ».
*
To John Ashbery
I can’t believe there’s not
another world where we will sit
and read new poems to each other
high on a mountain in the wind.
You can be Tu Fu, I’ll be Po Chü-i
and the Monkey Lady’ll be in the moon,
smiling at our ill-fitting heads
as we watch snow settle on a twig.
Or shall we be really gone? this
is not the grass I saw in my youth!
and if the moon, when it rises
tonight, is empty —a bad sign,
meaning “You go, like the blossoms.”
1954
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Frank O’Hara (1926-1966) – L’Œil de Bœuf (n° 22, décembre 2001) « John Ashbery » – Traduit de l’américain par Olivier Brossard.