Quatrième de Couverture
« Je m'appelle Mary Katherine Blackwood. J'ai dix-huit ans, et je vis avec ma sœur, Constance. J'ai souvent pensé qu'avec un peu de chance, j'aurais pu naître loup-garou, car à ma main droite comme à la gauche, l'index est aussi long que le majeur, mais j'ai dû me contenter de ce que j'avais. Je n'aime pas me laver, je n'aime pas les chiens, et je n'aime pas le bruit. J'aime bien ma sœur Constance, et Richard Plantagenêt, et l'amanite phalloïde, le champignon qu'on appelle le calice de la mort. Tous les autres membres de ma famille sont décédés. »
Mon avis
Nous avons toujours vécu au château est un roman fantastique dans lequel Shirley Jackson tisse la toile d’un mystère, d’une trame embrumée, où réalité et mysticité se mêlent tant qu’il est compliqué de savoir où l’on met les pieds. Mary Katherine Blackwood nous raconte son présent prêt à être bouleversé là où c’est la ligne droite de la routine qui lui permet de ne pas s’envoler sur la lune, en parallèle de la première grosse fracture dans sa routine, six ans auparavant, lorsque presque toute sa famille a été empoisonnée… Le début de méandres où souvenirs et fabulations s’entortillent pour mieux nous entraîner dans cette atmosphère lourde et merveilleuse à la fois.
Quel plaisir cela a été de plonger dans un roman fantastique pur, où je me suis senti flotter entre réel et surréel, entre certitudes et doutes, entre frissons et délices. Shirley Jackson mérite son succès, elle avait un réel talent et savait trouver les mots justes pour créer une tension, pour tenir son lectorat et lui faire retenir son souffle. J’ai lutté, énormément lutté contre le sommeil qui m’emportait le soir à cause d’un travail assez physique, m’endormant souvent le livre en main, faute de pouvoir volontairement lâcher ma lecture. C’est à cela que je reconnais un bouquin qui me plait : je trouve du temps, même infime, pour me plonger dedans, pour lutter contre mon corps et lire encore et encore.
J’ai rapidement compris une partie de l’intrigue mais sans que cela ne me dérange : clairement, je serais prête à parier que c’était la volonté de l’autrice, une façon de dire « je vous donne ça, débrouillez-vous vous pour encaisser la suite ». Parce que c’est la folie qui anime les personnages de ce roman, une folie douce à furieuse, une folie rêveuse à cauchemardesque qui est si contagieuse qu’elle m’a happée. Je ne parvenais pas à savoir ce qui était réel, ce qui ne l’était pas et c’était finalement le plus plaisant, au même plan que l’écriture poétique et incisive à la fois de Shirley Jackson. Revenir au fantastique avec un tel roman m’a fait un bien fou, me poser des questions tout en acceptant de me laisser porter par le mystère m’a fascinée et apaisée à la fois.
Nous avons toujours vécu au château est un roman qui se savoure pour son écriture, pour les images qu’il offre et pour cet état second dans lequel il nous met, dans ce flottement irréel. Lire ce livre le soir en m’endormant m’a bien mise dans l’ambiance, je me suis réveillée une nuit, livre en main, sans savoir si je rêvais encore ou non, bien perdue dans ce brouillard du réveil furtif.
Si vous cherchez une histoire où vous serez capables de comprendre toutes les ficelles, de trouver toutes les clés, passez votre chemin : l’intérêt est bien de se perdre dans les méandres de cette douce folie. Et, surtout, de s’imprégner des obsessions des personnages qui ne sont finalement qu’un moyen pour eux de se raccrocher à la réalité là où les esprits ont tendance à essayer de s’envoler.
Je remercie Glory Book Box pour cette découverte, pour m’avoir permis de lire une autrice qui a marqué sa discipline et qui m’a conquise.
« Notre propriété toute entière était riche de mes trésors enfouis, elle grouillait, juste sous la surface, de billes, de dents et de pierres colorées, peut être transformées en joyaux, à présent, et que reliait entre elles un maillage souterrain robuste et bien tendu qui jamais ne se relâchait, mais tenait bon pour nous protéger. »