Pavement est incontestablement le groupe de rock indépendant le plus emblématique des années 90 avec cinq albums impeccables au compteur - c'est bien simple, mon préféré change régulièrement. La carrière solo de leur leader Stephen Malkmus, entamée à l'orée du vingt-et-unième siècle, vivotait pourtant jusque là, reprenant plus ou moins les mêmes ingrédients, la surprise en moins. Ce style n'est aussi plus à la mode qu'il y a vingt ans et il paraît compliqué de faire adhérer de nouveaux fans au projet, quand les anciens démissionnent progressivement. Bref, le chanteur a donc eu l'idée de changer de cap, histoire de casser une certaine forme de routine, paradoxal quand on sait que Pavement était justement considéré comme des empêcheurs experts de tourner en rond. Voilà donc qu'avec ce "Groove Denied", Malkmus se remet en danger, ne délaissant pas complètement son sens inné des mélodies tordues, mais en y intégrant pour la première fois de gros sons synthétiques. On connaissait son amour pour les allemands de Can, moins pour ceux de Kraftwerk, dont l'influence est évidente ici. Si les Pavement addicts auront peut-être du mal à apprécier ce qui pourrait paraître comme un semi-trahison - ces sons pré-enregistres, quelle horreur ! - chez ceux comme moi qui étaient un peu lassés de voir Malkmus s'empêtrer dans une carrière assez linéaire, ne pourront que s'enthousiasmer de le voir enfin rebondir d'aussi belle manière. Car il y a ici largement de quoi se sustenter agréablement et ce, de manière prolongée. La marque des plus grands.