Alors que les outils de conception 3D abondent et sont régulièrement utilisés par des particuliers, on peut se demander si fabriquer une « vraie » maquette a encore un sens ou s’il s’agit juste d’un refus de basculer dans le tout numérique. Nicolas Minvielle, Martin Lauquin et Olivier Wathelet sont convaincus que les maquettes numériques ne répondent à tous les usages des maquettes physiques. Ils s’en expliquent dans leur ouvrage « Maquetter : ces entreprises qui innovent avec les mains » :
« Malgré le développement des outils de CAO, les maquettes physiques conservent leur rôle. Comme l’explique le spécialiste en histoire de l’architecture Marc Grignon, « Frank Gehry retrouve la spontanéité de l’esquisse en assemblant des morceaux provenant d’anciennes maquettes brisées, qu’il laisse parfois retomber de façon aléatoire. Robert Venturi produit rapidement des petites maquettes de papier ou de carton pour comparer différentes solutions. Peter Eisenman utilise ce medium pour visualiser des formes quasiment impossibles à rendre efficacement en dessin géométral. Pour ces architectes comme pour plusieurs autres, la maquette constitue un outil de critique et de vérification essentiel au développement de leurs projets. »
Quand on détaille le travail de ces architectes, on constate qu’une succession de maquettes permet d’explorer différents aspects complémentaires du projet. Il ne s’agit pas d’une amélioration progressive d’une première esquisse (par la précision ou la clarification de principe) ni d’une logique de sélection (plusieurs variantes d’une même idée pour choisir) mais d’une progression par focalisations successives.
Ainsi, dans la préparation d’une exposition consacrée à son travail, l’architecte Peter Eisenman a produit cinq maquettes. La première a posé les principes généraux du projet, un schéma de forme précis a été proposé dans une deuxième, puis abandonné dans une troisième présentant une forme alternative. Les deux maquettes successives ont permis d’explorer en détail une partie des problématiques du chantier. Tout en présentant une certaine linéarité, le processus est accompagné par des maquettes qui analysent successivement des questions différentes et peuvent remettre en question des éléments préalablement acceptés. Le résultat final n’est pas la clarification de la dernière maquette, mais une synthèse de quatre d’entre elles. Pour débattre, il est parfois nécessaire, comme dans bien des sujets, de décomposer le problème en autant d’univers différents. »
Il ne nous est forcément naturel et facile de progresser en décomposant successivement des problèmes différents. Nous avons plutôt tendance à chercher une progression par incrémentation ou, pour les plus audacieux d’entre nous, par rupture. Dans les sujets qui vous préoccupent actuellement, qu’ils soient matériels ou non, comment pourriez-vous tester cette approche par qui privilégie l’étude successive de problématiques différentes ? Comment pourriez-vous donner donner forme à ces différents angles ?