Lorraine est parisienne mais elle est tombée en amour pour la Bretagne. Elle trempe sa plume dans l'eau des océans du monde entier et mon petit doigt me dit que ce n'est pas fini.
Cette fois elle nous fait prendre le large pour aller de Groix (qui reste sans doute son île préférée) à la Patagonie, au pays des manchots. Elle décrit des paysages fabuleux, comme les Glaciers Bleus qui sont dépaysants pour le lecteur qui n'a connu que les cotes bretonnes.
Le roman commence par une tragédie, inspirée de l'expérience professionnelle de sa vie antérieure, quand elle était urgentiste (cela étant il semblerait qu'on reste médecin toute sa vie). Un homme décède de crise cardiaque alors qu'il est en galante compagnie, avec une amoureuse dont Lorraine nous tait l'identité, en nous donnant pour seul indice qu'elle habite le même immeuble. Ça titille.
Je découvre que l'amour tue et que l'arrêt du coeur de mon papa a fait bouger mon ordinateur. On n'est pas dans un film de science-fiction, c'est la réalité (...) il existe entre les humains et les objets un lien inexplicable (p.19).
C'est Dominique, que tout le monde appelle Dom, quinze ans, qui nous raconte l'histoire, ... enfin ce qu'il en sait, et ce qu'il va découvrir, car sa vie bascule à nouveau quand il reçoit les condoléances, pour le moins surprenantes, d’un inconnu. Un expatrié français en Argentine qui aurait connu ses parents à la naissance de sa sœur en Amérique du Sud. Voilà qui serait sympathique ... si Dom avait une sœur ...
Une bonne fée s'est engagée à veiller sur le jeune homme. C'est la fameuse amoureuse, qui elle aussi raconte sa version de l'histoire en faisant avancer la résolution de l'énigme depuis le poste de vigile qu'elle occupe dans le bistrot d'en face.
On sent combien Lorraine Fouchet a été marquée par l'accompagnement de ceux qui partent dans le suet comme elle l'écrit avec poésie. L'expression revient à plusieurs reprises. Avec des hommages discrets à Maurane et à ceux qu'elle appelle les copains de Charlie Hebdo. J'ai trouvé que ce roman était particulièrement nourri de légendes. En toute logique puisqu'en Bretagne on est superstitieux parce que ça porte malheur de ne pas l'être (p.155). Il est profondément amarré dans un terroir et cela lui donne du charme. N'allez pas croire cependant qu'il soit difficile à lire. Les petits manchots qu'Anne-Marie Bourgeois a placés de page en page apportent une fantaisie bien sympathique.
Les fidèles lecteurs de Lorraine Fouchet peuvent être rassurés. Il y a dans ce livre é
videmment, ce n'est plus une surprise, une recette de cuisine (cette fois ce sera -p.45- le magical cake de Martine, dont vous trouverez la recette à la fin), la play-list des morceaux de musique cités (et c'est toujours très agréable de retrouver des morceaux qui ne passent plus sur les ondes comme le Warum de Camille, dont je me souviens encore de la voix, profonde et douce à la fois) ... et du champagne mais, à l'inverse d'une de ses consœurs écrivaines qui mentionne systématiquement une maison différente dans chacun de ses romans, Lorraine est fidèle au Mercier blanc de noirs.Les personnages ont des caractères bien trempés qui participent à l'attachement que le lecteur éprouve assez vite. On découvre des Amérindiens fiers et valeureux comme les Bretons (p.154). On aimerait que tout se termine bien, mais on a peur que ce ne soit pas possible pour ces âmes cabossées, subissant les conflits familiaux et s'étouffant dans les secrets. Il est possible que ce soient des valeurs partagées qui serviront de viatique pour affronter les démons.
Lorraine pose la question d'être heureux, quand on est seul, de l'absence ... On y apprend plein de détails historiques et géographiques (par exemple pourquoi la Terre de feu s'appelle ainsi) mais on retiendra surtout qu'à coeur vaillant rien d'impossible !
Tout ce que tu vas vivre de Lorraine Fouchet, aux éditions Héloïse d’Ormesson, en librairie le 7 mars 2019