Il y a eu des obstinés, qui sont restés plusieurs semaines
et même, pour l’un d’entre eux, plusieurs années sur l’île Cocos, au large des
côtes de l’Amérique centrale. Un caillou planté dans le Pacifique, couvert de brouillard
et où il pleut dix mois sur douze. Mais dont une rumeur persistante fait la
cachette d’immenses richesses enterrées là par des boucaniers et des
flibustiers. Une île au trésor. Et peut-être même L’île au trésor du roman de Stevenson. De quoi titiller de nombreux
aventuriers. Et de quoi nourrir le formidable récit d’Alex Capus, digne d’un
roman d’aventures qui fait de l’écrivain écossais non seulement l’auteur d’un
livre à succès mais aussi et surtout l’un de ces chercheurs en quête de
fortune.
L’hypothèse est audacieuse et tient la route, bien qu’elle
rompe avec la biographie de Stevenson. Les Samoa, où celui-ci a passé les cinq
dernières années de sa vie, n’étaient pas le rêve ultime d’un voyageur qui
n’avait aucune intention de s’éterniser dans la région. Il l’avait d’ailleurs
écrit dans sa correspondance. En outre, et l’argument frappe, le climat
convenait mal à un homme dont les poumons étaient ravagés par la tuberculose.
La maladie n’avait reculé qu’à Davos, pas dans les mers du Sud…
Capus ajoute que Fanny, l’épouse de l’écrivain, n’appréciait
guère son environnement et que Robert Louis Stevenson, s’il a beaucoup raconté
ses expéditions dans la région, a laissé quelques trous dans la chronologie.
Ils pourraient bien avoir été occupés par les visites d’une autre île Cocos, à
deux mille kilomètres au sud et huit mille kilomètres à l’ouest de celle qui a
mobilisé les chasseurs de trésors. Comme par hasard, les Samoa ne se trouvent
qu’à deux cent soixante-sept kilomètres de celle-là. Imaginons donc, avec Alex
Capus, que Stevenson se soit posé au milieu du Pacifique parce qu’il était
convaincu de connaître le véritable endroit de l’île au trésor. Jusqu’à
installer chez lui, dans la maison qu’il s’était construite, un gigantesque
coffre peut-être destiné à accueillir « une
ou deux cargaisons d’or et de pierres précieuses ».
L’auteur franco-suisse de langue allemande qui est parti sur les traces
de Stevenson ouvre des perspectives inédites et séduisantes. Il le fait avec un
sens de la narration qui happe le lecteur, toujours emporté par les belles
légendes sur lesquelles s’impriment les silhouettes de personnages connus.
Comme dans les meilleurs récits, celui-ci n’a pas vraiment de fin, puisque la
quête s’est achevée sans autre résultat que ce livre traduit par Emmanuel Güntzburger, Voyageur sous les étoiles. Mais ce n’est pas rien.