Le modèle traditionnel de la carte de crédit à l'américaine consiste à offrir des promotions en contrepartie d'un système de paiement qui facilite le recours au crédit à la consommation, à des conditions parfois très onéreuses. Mais quand un spécialiste de l'investissement tel que Fidelity s'invite sur le marché, il a des objectifs bien différents…
Au premier abord, la carte Visa Signature de l'institution se présente comme un produit de haut de gamme relativement classique, assorti de caractéristiques avantageuses, telles que l'absence de frais annuels, l'accès à un service de conciergerie, diverses réductions et autres privilèges auprès d'une sélection de marques… Et, comme pour toute solution de sa catégorie, ce que Fidelity met surtout en avant est, naturellement, son système de remboursement (« cash-back » de 2%) applicable à toutes les dépenses effectuées.
Toutefois, ce qui attire plus l'attention est la liste des destinations proposées pour les fonds ainsi restitués. En effet, outre un versement sur le compte courant du bénéficiaire, Fidelity lui suggère également de faire fructifier les primes accumulées en les transférant vers un produit d'investissement et alimenter, au choix, un portefeuille d'actions, une réserve d'épargne réglementée pour la retraite ou la santé, un plan de financement des études d'un enfant… voire un compte destiné à une œuvre de charité.
En pratique, le porteur doit simplement lier à sa carte de crédit le ou les comptes éligibles – qui peuvent être les siens propres ou ceux de ses proches – et indiquer sur lequel ou lesquels il souhaite recevoir les sommes dues et dans quelles proportions. Dès lors, chaque mois, sous réserve que le solde de ses gains atteigne 5 000 points (l'équivalent de 50 dollars), les virements correspondants sont réalisés automatiquement.
Bien sûr, cette approche peut être considérée comme une manœuvre astucieuse de Fidelity pour encourager ses clients à développer leurs activités sur son cœur de métier (à la fois directement, en investissant les remboursements sur leurs dépenses, et indirectement, par effet de rappel et d'inspiration), grâce à un produit extrêmement populaire auprès des consommateurs, auquel elle peut, en conséquence (si on prolonge le raisonnement), se permettre d'attacher des conditions particulièrement attractives.
Il ne faudrait pourtant pas négliger l'impact positif que ce dispositif est aussi susceptible d'avoir sur le comportement de ses utilisateurs, en leur procurant une impulsion supplémentaire, sans contrainte et sans douleur, dans leur démarche d'épargne et/ou de prévoyance. L'exploit est d'autant plus spectaculaire que son support, la carte de crédit, est sans contexte un instrument comportant – dans une logique radicalement opposée – des risques majeurs pour une bonne gestion des finances personnelles.
En l'état, l'offre de Fidelity ne va probablement pas bouleverser le marché des cartes de crédit aux États-Unis. Cependant, avec un peu d'audace, par exemple en accompagnant réellement et concrètement le consommateur dans une démarche éclairée de maîtrise de ses crédits et de son épargne, elle serait en mesure de totalement pervertir le système existant, dont les mécanismes d'incitation à l'endettement ne sont pas toujours très sains. Ou peut-être vaudra-t-il mieux compter sur un startup pour initier une telle rupture…