L’histoire de la photographe russe Masha Ivashintsova rappelle incontestablement celle de Vivan Maier. Tout comme la photographe américaine, l’oeuvre d’Ivashintsova aurait pu être perdue à tout jamais. Tout comme la photographe américaine, elle a constitué secrètement une incroyable collection de clichés tout au long de sa vie. Et tout comme la photographe américaine, la totalité de son travail était caché dans une malle, découverte après son décès.
Masha Ivashintsova est née dans une famille aristocratique russe dont les biens, y compris un luxueux appartement dans le centre de Saint-Pétersbourg, ont été saisis par les autorités après la Révolution rouge de 1917. A l’âge de 18 ans, elle se met à photographier compulsivement ce qui l’entoure, chez elle, dans la rue, partout. Seule la maladie met fin à cette passion en 1999. Une année plus tard, Masha Ivashintsova s’éteint des suites d’un cancer.
Sa fille Asya Ivashintsova-Melkumyan a bien vu toute sa vie sa mère caméra en mains. Mais Masha ne partageait ni me montrait ses photos à personne, pas même à sa famille. Elle a connu trois grands amours au cours de son existence : le photographe Boris Smelov, le poète Viktor Krivulin et le linguiste Melvar Melkumyan, qui est aussi le père d’Asya. Les considérant tous trois comme des génies, Masha pensait faire pâle figure à leur côté et a de ce fait décidé de ne jamais montrer ses œuvres photographiques. Son engagement dans le mouvement contestataire du Leningrad de l’époque communiste lui vaudra d’être internée régulièrement en hôpital psychiatrique dans les années 1960 à 80, le régime soviétique cherchant à la contraindre à vivre selon les règles du parti.
Asya photographiée par sa mère Masha en 1978.
Après la mort de Masha en 2000, sa fille est profondément attristée et ne souhaite pas se confronter au travail photographique de sa mère. Elle essaye même d’offrir à qui la voudra la précieuse malle renfermant ses souvenirs. Ce n’est que finalement 17 ans plus tard qu’elle se décide à monter au grenier de la maison familiale de Pouchkine, dans la banlieue d’une Leningrad redevenue Saint-Petersbourg après la chute de l’URSS. Ce que son mari et elle y découvrent les stupéfait : 30’000 négatifs qui n’avaient jamais été développés, jamais vus par personne d’autre que leur autrice. Un travail en noir et blanc touchant, montrant la vie quotidienne derrière le rideau de fer et comptant, tout comme dans le cas de Vivian Maier, de nombreux auto-portraits.
Afin de faire connaître et valoriser l’incroyable oeuvre de sa mère, Asya a décidé de lui dédier un site internet (ici), une page instagram (ici) et d’ouvrir une galerie Masha à Vienne, en Autriche.