Il faudrait noircir des pages et des pages pour rendre compte de l'importance de cette expédition mais Robert Welsch s'est heureusement attaqué à ce monument et a publié une somme sur le sujet en 1998 sous le titre An american anthropologist in Melanesia.
Tout a commencé en 1908 avec la volonté de George A. Dorsey, alors conservateur du département Anthropologie du Field Museum de Chicago, de monter une des plus grandes expositions jamais vues aux Etats-Unis sur les cultures du Sud-Ouest Pacifique. Dorsey emporta l'accord du directeur du musée et de ce fait le financement d'une grande expédition de collecte dans le Pacifique sud.
En 1908, il revenait justement d'un tour du monde de collectes lors duquel il s'était rendu compte de la potentialité de la Papouasie en termes de diversité et quantité d'artefacts et d'intérêt pour l'étude de sociétés "primitives". Il voulait confier la responsabilité de cette nouvelle mission à Alfred B. Lewis, un jeune anthropologue qui sera le premier à réaliser un travail de terrain approfondi dans le Pacifique. Ce dernier avait été élève de Franz Boas et était arrivé au Field Museum en 1907.
Le 8 mai 1909, il quitte Chicago, direction les Fidji, il ne sait pas encore qu'il est parti pour amasser une incroyable collection ; près de 15 000 objets arriveront au musée.
Mais sa seule pratique de terrain ne suffisait pas pour monter une collection aussi complète que possible, aussi Lewis acheta-t-il à des intermédiaires : commerçants, missionnaires et résidents coloniaux. La plus grande de ces collections qui l'a approvisionné provenait d'Isokichi Komine, un négociant japonais basé dans les îles de l’Amirauté. En octobre 1911, Lewis rendit visite à Komine installé à Rabaul en Nouvelle-Bretagne, et lui acheta plus de 3 000 artefacts. 2 000 objets provenaient des îles de l’Amirauté et le reste de presque toutes les autres parties de la Nouvelle-Guinée allemande.
Un autre précieux contact pour Lewis fut Phebe Parkinson, alors veuve de Richard Parkinson, la soeur de Queen Emma.
Elle le fit profiter de son réseau et obtint notamment vingt grands masques de danse Sulka dont on peut voir les ombrelles étalées sur la pelouse devant sa maison. (cf. ci-dessous).
L'importance de l'expédition américaine réside, au-delà de grand nombre d'objets collectés, dans l'existence de nombreux journaux, de croquis, de notes de terrain, de photographies, de mesures anthropométriques réalisés par Lewis.
En juin 1913, A.B. Lewis est retourné à Chicago pour trouver la quasi-totalité des plus de 300 caisses prêtes à être déballées contenant les artefacts numérotés, catalogués et qu'il fallait encore organiser dans le museum.
Le Field Museum de Chicago a été de tout temps très actif par rapport à la gestion et enrichissement de ses collections. Il faut ainsi noter qu'avec Lewis, il n'était pas vraiment à ses débuts d'acquisitions dans le Pacifique sud ; le musée avait en effet acheté auprès de Otto Finsch, 503 objets mélanésiens dès le milieu des années 1890. Ces objets provenaient de deux des expéditions de Finsch dans le Pacifique occidental : une première 1879 à Hawaii, en Micronésie, en Nouvelle-Bretagne, en Nouvelle-Guinée, en Nouvelle-Zélande et à Java et une seconde en 1884 en Nouvelle-Guinée. Un autre moment important sera, bien plus tard, l'achat de la collection du Capitaine A.W.F. Fuller que nous avons déjà évoqué.
À suivre...
Photo 1 : Cérémonie à Sisimongum, Hansa Bay, été 1910, © Field Museum A-33515.
Photo 2 : A.B. Lewis, juin 1910. © Field Museum CSA33645.
Photo 3 : Masques Sulka devant la maison des Parkinson, Kuradui, © Field Museum A-33575.
Photo 4: Vue de l'exposition réalisée par A.B. Lewis, 1921 au Joseph S. Field Hall d'anthropologie mélanésienne du Field Museum of Chicago, photo © Ronald Clyne, sur le site de Kevin Conru.