Chroniques de l’ordinaire bordelais. Épisode 303

Publié le 10 mars 2019 par Antropologia

« Grâce à Dieu »

Quand j’arrive ils sont déjà tous assis, je mets un moment dans la pénombre à trouver une place inoccupée là-haut.

Le film commence. Paysages magnifiques, Lyon, montagnes, univers bien-pensant, messes grandioses, bibliothèques feutrées et luxueux évêché compassé dont on voit même la chambre épiscopale. Belle unité.

Alors, saisissant contraste, défile toute une théorie d’enfants d’autrefois gangrenés par les agressions sexuelles qu’ils ont subies de la part d’un prêtre pédophile. Adultes désormais, mais poursuivis par le malheur d’avoir été saccagés, détruits, prélevés, oui, comme à la chasse, par le même prédateur. Atomisés.

Le spectateur est saisi d’effroi, il oscille entre indignation, écoeurement et honte, lui aussi se souvient, pour lui, pour les autres, pour ce qu’il a un jour entendu, pour ce qu’il a enfin compris. Pour l’immense gâchis dans une institution autrefois si puissante et respectée. Pour la grandeur bafouée des Evangiles.

Le générique de fin défile, je descends déjà les marches, alors, stupeur qui me fige, montent des applaudissements très nombreux mais lents, assourdis, tristes, peinés, moi je ne peux applaudir mains entravées de sac et manteau.

Ils applaudissent de deuil, debout. Tous largement quinquas et plus.

Nous sommes au pays de Saint-Vincent de Paul, dans les Landes, un des derniers diocèses pratiquants de France.

D’où sortent tous ces gens ? Quand je vais dans ce cinéma, d’habitude il n’y a pas grand monde. Mais là, comme une communion ultime avant l’implosion. « Grâce à Dieu ».

23 février 2019

Thérèse Marsan