Quoique récente, la tendance ne date pas tout à fait d'aujourd'hui, mais j'avoue ne pas avoir d'idée précise sur sa diffusion dans les banques. Toujours est-il que l'approche de l'australienne Westpac en matière de rémunération de ses conseillers en agence pousse à l'extrême la logique d'abandon des primes proportionnelles aux ventes réalisées.
Les institutions financières prennent progressivement conscience de la transformation qu'elle doivent opérer dans leur vision de leur métier. Une des premières étapes de leur évolution, qui affiche des progrès sensibles à la faveur de la « digitalisation » des interactions, consiste notamment à admettre que les collaborateurs qui sont en contact direct avec les clients ne peuvent plus être de simples vendeurs et qu'ils doivent devenir de vrais conseillers – comme le souligne le titre dont ils sont désormais qualifiés.
Une conséquence de ce changement de modèle commercial a été, dans un certain nombre d'établissements, la mise en place de nouveaux dispositifs de motivation du personnel. Il est vrai que les bonus directement liés aux volumes de ventes auraient pu être mis en question depuis longtemps, si les responsables n'avaient perdu de vue le fait que, à la différence de l'achat d'un grille-pain, la souscription d'un service financier n'est que le point de départ d'une relation continue, vouée à perdurer pendant des années.
Cependant, le retrait des primes à la performance commerciale a fréquemment ouvert une question quasiment insoluble : sur quels objectifs peut-on étalonner les salaires variables des conseillers, une fois écarté l'indicateur quantifiable (et donc fort pratique) du nombre de produits distribués ? Dans bien des cas, c'est une évaluation de la satisfaction des clients qui a pris sa place. L'idée paraît bonne car alignée avec les stratégies des entreprises mais elle souffre de son caractère éminemment subjectif et contestable.
C'est précisément le raisonnement qu'avait adopté Westpac en 2016… et qu'elle remet en cause maintenant, invoquant, d'un côté, la nécessité de poursuivre son ambition de placer le client au centre de ses préoccupations, sans compromis, et, de l'autre, son désir de proposer à ses collaborateurs un système de rémunération simple et indiscutablement équitable. Résultat, à partir d'avril prochain, les salaires fixes des conseillers seront augmentés de 500 dollars (mensuels) et tous les bonus seront définitivement éliminés.
En arrière-plan, c'est un palier supplémentaire de maturité que franchit la banque. En effet, sa démarche révèle sa compréhension de la corrélation étroite existant entre la qualité du service offert aux clients (qui constitue sa cible essentielle) et la satisfaction de ses effectifs, en particulier les personnes qui travaillent « au front ». Ainsi, à travers sa politique de rémunération, elle veut aussi donner le signal de la confiance qu'elle leur accorde (même si des moyens de contrôle de la performance subsistent).
Dans une certaine mesure, l'entreprise ressemble de plus en plus à un organisme complexe mais cohérent, dont toutes les composantes – qui comprennent des femmes et des hommes mais également des plates-formes technologiques – contribuent à sa performance globale sans qu'il soit véritablement possible (ni souhaitable) de singulariser telle ou telle à chaque instant. Quand la relation avec le client combine conversations avec un conseiller, accès à une application mobile et interactions avec un centre d'appel, l'efficacité individuelle perd de sa valeur et la collaboration devient primordiale.