Le jeu de volant est originaire de Chine. On se lançait alors avec le pied un objet arrondi en cuir, rempli de cheveux ou de crins et lesté de plumes de poulets. L'exercice est très populaire à l'époque des dynasties Han et Tang, de 206 avant J-C à 907 après J-C. Il n'avait alors rien de féminin et était surtout pratiqué par les jeunes garçons. En Europe, le jeu de volant connaît un grand succès aux XVII ème, XVIII ème et XIX ème siècles. En France, il remplace progressivement à la Cour
Règles, raquettes et plumes
Longtemps, le jeu se pratique sans contrainte particulière, aussi bien dans les rues insalubres que dans les palais des princes. Au début du XVIII ème siècle, les premières règles apparaissent. On installe deux cordes : le volant ne doit pas passer entre ! Le jeu a donc déjà, plus d'un siècle avant le badminton, intégré le filet comme accessoire. On joue aussi bien en extérieur que dans des salles couvertes, celles qui servent aussi pour le jeu de paume. Dans ce dernier cas, le volant ne doit pas toucher les murs. Les équipes se composent de deux à quatre joueurs.
Les raquettes, légères, sont formées " de petits cerceaux de bois courbés en ovale ". Les extrémités constituent le manche et sont réunies par des lanières de peau. L'intérieur de l'ovale " est garni de petites mailles de cordes de boyau parfaitement tendues "
La balle était une demi-sphère en liège pourvue de plumes de huit centimètres de long qui y étaient attachées par de fines lanières de cuir.
À la Renaissance, on commence tout juste à pratiquer le jeu de volant. François Ier s'y adonne volontiers, même s'il préfère la paume. Le volant est alors connu, en Île de France, sous le nom de " coquantin ". Ce terme provient des deux longues plumes de coq dont on se sert alors pour garnir le volant.
Il a bien d'autres surnoms dans les différentes régions du royaume. Par exemple, dans le Lyonnais, on l'appelle le " picandeau " car il est orné de plumes de pie, dont les couleurs blanc et noir sont placées alternativement.
Dans les Cours d'Europe
La reine Christine de Suède aime avec passion le jeu de volant et force les plus grands seigneurs conviés à sa Cour à s'en amuser avec elle. Elle parvient même à entraîner dans son passe-temps préféré le savant Samuel Bochart, théologien et géographe protestant français qui réside à Stockholm en 1652. Christine l'oblige à quitter son manteau et sa perruque et, " tant bien que mal, la volant est poussé d'une raquette à l'autre, et voltige dans les airs à la grande satisfaction de la reine "
La marquise de Sévigné fait plusieurs fois mention du jeu de volant dans sa correspondance. La duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, s'y adonne souvent avec les autres femmes de la Cour. Elle relate dans ses Mémoires, pour l'année 1653, avoir joué au volant au château de Saint-Fargeau :
Après le plaisir de la comédie (...) le jeu du volant y succéda. Comme j'aime les jeux d'exercice, j'y jouais deux heures le matin et autant l'après-dînée. (...) Je jouai avec madame de Frontenac, qui me disputait sans cesse, quoi qu'elle me gagnât toujours : car, quoique que je jouasse avec plus d'adresse, sa force l'emportait par-dessus.
Le sport, certes plus prisé par les princesses, est aussi apprécié par les souverains. Louis XIV raffole du jeu de volant, lui qui n'aime pas s'adonner à la paume, trop violent.
Sous son successeur, le Régent, le jeu est particulièrement en vogue ; " c'était son jeu favori ".
Le neveu de Frederick II de Prusse se divertit en jouant au volant dans le cabinet de travail du monarque, le faisant régulièrement atterrir sur le bureau de son oncle, au milieu de ses papiers. Un jour Frederick, agacé d'être sans cesse interrompu par ce volant qui tombe sur ses lettres, l'attrape et le fait disparaître dans sa proche. Le neveu se plante alors devant le Roi : " Plaira-t-il bientôt à Votre Majesté de me rendre mon volant ? Répondez oui ou non " !
Pas assez viril ?
Si à la Cour on ne se préoccupe guère du sexe des joueurs, les nombreux traités qui paraissent au XVIII ème puis XIX ème siècles sur le sujet ne conçoivent pas le jeu de volant comme un sport d'homme.
Rousseau, dans son Émile paru en 1762, pousse les jeunes gens à se remettre au jeu de paume, le jeu de volant étant réservé aux femmes :
Leurs blanches peaux ne doivent pas s'endurcir aux meurtrissures et ce ne sont pas des contusions qu'attendent leurs visages (...) On joue toujours lâchement aux jeux où l'on peut être maladroit sans risque ; un volant qui tombe ne fait de mal à personne ; mais rien ne dégourdit le bras comme d'avoir à couvrir la tête... s'élancer d'un bout d'une salle à l'autre, juger le bond d'une balle encore en l'air, la renvoyer d'une main forte et sûre : de tels jeux conviennent moins à l'homme qu'ils ne servent à le former.
Au XIX ème siècle, Xavier Le Prince insiste sur la polyvalence du jeu, agréable à la fois dehors à la belle saison et à l'intérieur lorsque le temps est moins favorable. Il intitule son ouvrage, paru en 1823 Jeux des jeunes filles de tous les pays.
Sous la Restauration, le jeu du volant est en effet revenu à la mode. Mais ce sont surtout les jeunes filles et les enfants qui s'y adonnent, dans la plupart des intérieurs parisiens :
Depuis quelques semaines, on a repris le jeu du volant dans les salons, on y joue des heures entières, le soir aux bougies. Mais il faut des étages élevés et les petits ménages, qui veulent imiter les grands, jouent de côté, ce qui rend le jeu plus difficile et moins amusant.
Un dérivé : la bague volante
Sous le Directoire, une mode passagère voit le jour : le jeu de la bague volante ou jeu des grâces. La bague est un petit cercle de bois ou d'osier que l'on décore selon son goût, de rubans ou de plume, ou recouvert d'une fine peau de chamois. Chaque joueur est muni de deux baguettes de bois léger. La bague est placée à l'extrémité des baguettes et les joueurs la lancent en l'air en levant les bras. Celui qui la reçoit doit être assez habile pour l'attraper au vol et l'arrêter au moyen d'un croisement de ses baguettes, puis la lancer de nouveau.
Quand on manquait son coup, on était obligé de quitter momentanément la partie ou de donner un gage.
Quelquefois, pour augmenter l'agrément du jeu, on ajoute trois grelots à la bague, et ces grelots venant à tinter pendant que l'anneau tourne en l'air, servent à avertir les joueurs de l'approche de la bague.
Ce jeu n'est guère pratiqué sous le Premier Empire, puis connaît une recrudescence sous la Restauration avant de disparaître.
Sources
♦ Fêtes & divertissements à la cour
♦ Sports et jeux d'adresse
♦ Les Sports et jeux d'exercice dans l'ancienne France
♦ L'Histoire du badminton : Du jeu de volant au sport olympique
♦ Les Jeux des jeunes demoiselles , de Mademoiselle Saint-Sernin