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La patience du baobab d'Adrienne Yabouza

Par Rambalh @Rambalh
Comme souvent, je pioche dans les livres d'occasion pour découvrir des ouvrages en tous genres. La patience du baobab est de ceux-là, dégoté au milieu de romans ayant déjà eu d'autres vies. Il s'inscrit dans mon envie de lire des autrices autant que des histoires du monde, de découvrir d'autres voix qui méritent de se faire entendre.
La patience du baobab d'Adrienne Yabouza

Quatrième de Couverture
« L’amour, c’est pas plus facile que le reste de la vie. C’est vérifiable à vingt ans ou plus, sous les tropiques comme autour du cercle arctique. Pas parce que c’est chaud ici et froid là-bas. C’est à cause des bâtons dans les roues, sous toutes les latitudes. Trop gros ou trop maigre, ça peut être une cause de bâton dans les roues, comme trop intelligent, trop blanc, trop noir, trop zyeux bridés ou cheveux roux, blonds, crépus; si en plus on compte les bâtons courbés ou à genoux dans l’ombre d’une religion, l’amour, c’est vraiment le parcours du combattant.»
La jeune et jolie Aïssatou nous raconte son histoire. Celle d’une Centrafricaine amoureuse d’un Français. Il s’agit donc maintenant de quitter Bangui pour la Bourgogne…
Mon avis
Aïssatou nous conte son histoire, celle d’une jeune femme qui va rencontrer l’amour au mariage de son amie, qui va avoir du mal à comprendre au départ ce que peut bien lui trouver Rémi. Lui, le beau Blanc, ce Français de Bourgogne qui tombe littéralement sous son charme et lui promet monts et merveilles. Aïssatou, elle, ne se permet pas de rêver : son quotidien est dur, sa vie n’est pas toute rose, elle a appris à se raccrocher à ce qui est réel, palpable, et il va bien trop vite s’évaporer son Rémi lorsqu’il devra reprendre son avion… Pourtant, il s’accroche, il revient, il l’épouse et lui assure qu’il fera tout pour la faire venir en France, à ses côtés. Et les difficultés commencent parce que l’amour n’est jamais une justification suffisante auprès des administrations quand il s’agit d’obtenir des papiers, parce que l’amour ne suffit pas à arrêter les guerres et les massacres.
À travers ce récit fictif, Adrienne Yabouza ne nous raconte pas une histoire d’amour mais une histoire de la difficulté de vivre d’amour et d’eau fraîche pour une jeune femme africaine qui cherche à rejoindre son mari. Aïssatou va devoir attendre de très longs mois pour enfin rejoindre son mari, elle va devoir se battre contre l’administration de trois pays : le sien, le Centrafrique, celui où elle s’est réfugiée juste avant son mariage, la République du Congo et, surtout, celui de son mari, la France. Seule, elle va naviguer au cœur de cet océan de papiers où chaque épreuve surmontée en amène une autre, et encore une autre. Prouver son identité, son mariage, l’amour, sa bonne foi… De vrais « bâtons dans les roues » décrits avec un style qualifié par l’éditeur de « français africain local » qui rend le récit plus vivant, plus prenant aussi.
Aïssatou est forte malgré l’image qu’elle a d’elle-même, elle se bat sans déposer les armes, elle fait tout pour affronter les difficultés la tête haute, tout en gardant sa bonté d’âme. Elle perd pied plusieurs fois mais garde le cap. Elle s’effondre pour mieux se relever. Et lorsqu’enfin elle réussit à poser ses valises sur le sol français, lorsque le bout du tunnel est annoncé, elle comprend que rien n’est terminé et qu’elle va devoir encore et encore batailler pour ses droits, pour son amour, pour sa tranquillité.
Adrienne Yabouza signe un roman qui dénonce la tortuosité du système administratif sans animosité, avec une sorte de résilience. Elle utilise sa fiction pour montrer la réalité de l’immigration légale et c’est finalement le lecteur qui s’offusque, et non elle. Là est son tour de force : exposer calmement une réalité injuste pour laisser ses lecteurs encaisser et remettre en question un système qui joue à la loterie avec la vie des gens. Comme si ces personnes qui connaissent la violence, la guerre ou encore la précarité avaient en plus besoin de passer le niveau « sinuosité de l’administration », le super boss final, pour prouver leur bonne foi.
Si le fond exact du roman ne restera pas totalement ancrée dans ma mémoire, je garderai sûrement en tête que La patience du baobab est de ces ouvrages qui méritent d’être lus, surtout pas nous, Français de naissance (ou même Européens), qui avons besoin de regarder plus loin que le bout de notre nez ou que ce que les médias français véhiculent. J’entends encore trop souvent autour de moi « ils n’ont qu’à rester chez eux » alors que je viens d’une région où nous avons plus de la moitié de notre arbre généalogique qui vient de l’étranger. Un beau paradoxe.
Lisez, découvrez, apprenez et surtout comprenez les autres en les écoutant enfin. Et n’hésitez surtout pas à lire des femmes, à vous imprégnez de ce qu’elles ont à raconter, à transmettre, non pas parce qu’elles « des histoires de femmes » à raconter mais parce qu’elles ont autant à dire que les hommes et ont été bien trop longtemps muselées. En ce mois de mars, n’oublions pas que l’égalité passe par un partage du temps de parole entre femmes et hommes, ce partage trop longtemps refusé dans le domaine de la littérature et qui peine encore à être naturel.
« Le HCR* à Brazza est protégé par des militaires congolais qui font la loi, et le grand jeu c’est de salir les réfugiés, ça veut dire les humilier. Ils étaient heureux chaque fois qu’ils pouvaient verser la honte dans les yeux des demandeurs que nous étions. C’est comme ça, quand t’es réfugié, quand t’es étranger, tu n’es plus un être humain et c’est pas les beaux discours du Nord ou du Sud qui changent quelque chose à ça. C’est pas non plus les Églises qui peuvent sucrer ça. Presque tous ceux qui ici sont maquillés par une religion te maltraitent comme les autres. Étranger, t’es rien d’autre qu’une calebasse ébréchée, et étrangère c’est pire. C’est toujours pire quand t’es une fille ou une femme. »
*Haut commissariat aux réfugiés
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