« Journée des droits des femmes : faîtes-leur une fleur, n'en offrez pas pour cette occasion ».
Ça fait des années qu'on le répète, qu'on le tweete, qu'on le blogue et qu'on se fâche : le 8 mars, on ne veut pas des fleurs, mais des droits effectifs et des salaires égaux ! Et chaque année, ça recommence : prenant la journée des femmes pour une Saint Valentin élargie à toutes, les marques et commerces nous assomment de pubs et d'offres aussi à côté de la plaque qu'inconvenantes. Si bien que j'évite de sortir ce jour-là afin de m'épargner la contrariété de fustiger le premier (cafetier, collègue, épicier ou même policier) qui m'offrira une rose en me souhaitant de passer une « excellente journée de la femme » me rappelant par ce geste, d'autant plus horripilant qu'il est sincère, que lui-eux et moi ne vivons pas la même réalité : leur vision qui nous réduit à des êtres charmants à honorer de fleurs trahit leur ignorance des difficultés vécues en tant que femme et est une insulte, rien de moins, en ce jour où, précisément, nous souhaitons être entendues, pour une fois.
Et puis soudain, le vent tourne… Ce 8 mars 2019, une célèbre enseigne de fleuriste explique clairement sur son site pourquoi NE PAS offrir de fleurs ce jour-là. C'est un peu un comble, pour un fleuriste, d'inviter à ne pas acheter ses bouquets, n'est-ce pas !?
Le parcours UX est bien vu, qui va chercher l'utilisateur où il est, via newsletter ou réseaux sociaux, et dans les termes de sa curiosité mal informée, jusque dans le choix du singulier réducteur : « Quelles fleurs offrir pour la Journée de la Femme ? ».
Ça ressemble à s'y méprenne à énième récupération commerciale… Bien imitée mais blagueuse, car suivre le lien amène à une page informative explicite, sur le site du fleuriste, qui dit en grosses lettres : « N'offrez pas de fleurs pour la journée de la femme » en précisant : « vendredi 8 mars ce n'est pas la journée de la femme, mais la journée internationale des droits des femmes » avant de faire un rappel des revendications de cette journée importante.
Waouh ! C'est à se croire sur le site informatif du 8 mars qui rabâche année après année… à ceci près que cela n'aura pas été vain : désormais le propos est repris ailleurs. Cela fait du bien de se sentir entendues et comprises. Pour une fois. Enfin. Merci.
Avec cette stratégie de dévoilement en deux temps, gageons que le community manager aura à essuyer quelques messages rageux de celleux qui pestent sans cliquer au préalable. Ou pas, puisque les internautes se passent le message en saluant l'initiative. Joli coup de pub, malin et surtout respectueux.
Interflora, qui est l'une des premières marques citées durant cette journée, a fait le choix de profiter de cette visibilité non pas pour proposer une réduction sur ses produits, mais pour faire passer un message important. Rappelons que la marque s'était déjà engagée les années précédentes en proposant un bouquet solidaire dont l'intégralité du montant était reversé au Fonds pour la Santé des Femmes. Cette année, elle va plus loin et le message est fort : n'achetez pas, entendez plutôt ce que les femmes disent. Après MeToo il n'est plus possible, même pour les marques, de faire la sourde oreille.