Après plusieurs années de présence au sein d'une organisation, nous n'en percevons plus réellement les spécificités culturelles. En outre, nous avons parfois le sentiment que la culture d'entreprise ne dépend pas de nous, qu'elle émane des hautes strates de l'organisation ou d'un passé auquel nous n'avons pas pris part. Marylène Delbourg-Delphis, dans son ouvrage " Tout le monde veut aimer son travail ", veut justement nous inciter à lutter contre ce phénomène d'" érosion culturelle " qui est souvent à la source de problèmes courants.
Elle s'inspire pour ce faire du modèle des start-up, qui pourra facilement s'appliquer à votre département ou Business Unit, et nous livre deux recommandations :
Dans beaucoup de start-up, la culture est souvent implicite (même si elle est implicitement géniale) et elle tend à s'affaiblir par ce que nous pensons être les contraintes d'une société en croissance. Les fondateurs croient que l'entreprise doit d'abord réussir et qu'ensuite ils pourront prendre le temps de s'occuper de la culture. C'est là où le bât blesse : la création d'une culture ne s'arrête pas aux premiers employés ; c'est un ensemble de liens entre tous les employés qui se forment et transforment au cours du temps. Quand on coupe trop de fils, la taille des trous augmente. La culture initiale d'une entreprise peut s'éroder rapidementIl est vrai que la culture d'origine d'une entreprise est associée à ses fondateurs. Mais comme je l'ai analysé précédemment, une culture est infiniment plus que l'ombre portée des fondateurs. C'est la manière dont les employés font leurs le message et la mission de l'entreprise, et c'est cet aspect qui part souvent aux oubliettes quand la société grandit. On n'y voit plus qu'un enthousiasme juvénile. Le leadership cesse d'être conversationnel[1]. Les slogans de départ ont l'air naïfs. Le marketing et les RH se mettent à concocter des énoncés de mission dont personne ne peut se souvenir et à se répandre en platitudes de toutes sortes comme " nous valorisons le talent ", " nos employés font la différence ", " notre actif, les employés ", " nos valeurs sont ... " Vous connaissez des boîtes qui diraient quelque chose comme " les employés on s'en fiche " ou " les valeurs, on n'en a pas " ? Recommandation 1 - Rappelez-vous pourquoi vous étiez content d'aller au travail Si vous avez la sensation, à peine perceptible, que votre culture a perdu de sa substance, que les laïus d'encouragement sonnent creux ou que les personnes filent quand vous faites un pot, prenez votre ressenti au sérieux. Parce que vous êtes le boss, vous voulez vous imaginer que ce sont les employés qui trainent des pieds. Vraiment ? Mais vous, n'êtes plus heureux non plus. Franchement, je doute que beaucoup de dirigeants soient contents (sauf si leur seul chef de contentement est eux-mêmes) quand personne ne l'est autour d'eux. Le mal-être touche tout le monde. Souvenez-vous que vous-même aviez plaisir à aller au travail. Alors, discutez avec vos employés de ce qui est venu ternir le tableau. Recommandation 2 - Ecoutez ce que racontent d'autres CEO et " THINK " Vous n'êtes pas le seul dans votre cas. Oubliez, au moins à ce stade, les consultants qui vont vous aider à redresser la barre. Il n'y a aucun doute que certains le pourront, mais plus tard, quand vous serez plus avancé dans votre analyse. Pour l'instant, travaillez directement avec vos équipes. La transparence et la candeur sont les caractéristiques des vrais leaders et la base d'une culture solide. Beaucoup de PDG et de fondateurs ont fait avant vous du brainstorming sur la culture de leur entreprise, et continuent à le faire. Certains peuvent vous inspirer. (...) Thomas Watson avait créé cette devise laconique, THINK, lors d'une réunion avec ses commerciaux à NCR Corporation en 1911 : " Ce jour-là, les managers ne savaient pas trop comment améliorer le business. Frustré, Watson s'est avancé sur scène et leur a délivré un sermon " Le problème, c'est qu'aucun de nous ne réfléchit assez ", a-t-il tonitrué. " On sait si on réfléchit et réfléchir est la clé du succès de ce business et de tout business " leur a-t-il dit. Il a ensuite décidé que THINK deviendrait le slogan de l'entreprise et a demandé à l'un de ses subordonnés de poser une affiche avec THINK imprimé en gras sur le mur de la pièce le lendemain matin. " Quand en 1914, il a rejoint la Computing-Tabulating-Recording à New York (société qui devait être rebaptisée " IBM " en 1924), il a importé le slogan et décidé que THINK serait aussi celui de cette entreprise. " . Voici une séquence typique des événements : au début, on vit une expérience collective où tout le monde est impliqué et où tout est stratégique - la création du produit, les objectifs du business, les premiers clients, les premiers employés. Puis cet univers syncrétique se fissure parce qu'émergent les urgences allant de la correction des bugs à la nécessité de considérer un nouveau tour de financement. Les gens n'ont plus le temps de se parler parce que tout le monde est débordé. L'âme de l'entreprise s'envole sans que personne ne s'en aperçoive vraiment.Si vous pensez que l'érosion culturelle a commencé à faire son œuvre au sein de votre organisation, allez voir comment les organisations qui vous inspirent sont sorties de cette difficulté. Zappos ou encore Netflix sont souvent mis en avant pour leur réflexion sur leur culture d'entreprise. Netflix l'a d'ailleurs " résumée " dans un document de 125 pages disponible sur le Net et qui pourra vous inspirer. Nul doute que vous trouverez aussi d'autres exemples !
[1]Sur ce sujet, voir l'article : " Pratiquez-vous le leadership conversationnel ? "