Quand la droite avance, le droit recule. En voici, hélas, un nouvel exemple. Christine Boutin-la-Bigote, ministre du Logement, a décidé de modifier la loi SRU, votée sous le gouvernement socialiste de Lionel Jospin, qui oblige toutes les communes à atteindre un quota de 20 % d’habitations à loyer modéré pour favoriser la mixité sociale.
L’un des buts de cette loi (car elle contient de très nombreuses dispositions) est d’éviter que les choix résidentiels des Français soient soumis aux variations du marché immobilier et que les citoyens puissent aussi se loger dans des villes réputées chères pour être, par exemple, plus prêts de leurs lieux de travail.
Cette politique pragmatique du dernier gouvernement socialiste est en train d’être remise en cause par les sarkozistes. Dans son projet de loi qui doit être examiné à la rentrée d’octobre par l’Assemblée nationale, la ministre du Logement prévoit de compter dans le quota des 20 % pendant cinq ans, les logements construits dans le cadre d’opérations d’accession sociale aidée à la propriété.
Le tour de passe-passe est subtil, et mérite d’être expliqué. En effet, la modification législative envisagée par Boutin revient à déplacer l’obligation de 20% de logements sociaux des communes vers les particuliers, puisque le gouvernement veut que les opérations d’accession sociale aidée à la propriété soient désormais comptabilisées dans le quota légal. Cette modification va bien entendu à l’encontre de l’effet utile recherché par le législateur.
- 1) Les communes qui ne respectent pas la loi SRU depuis toujours (Neuilly-sur-Seine par exemple, dont Nicolas Sarkozy a été le maire pendant 25 ans) seront dédouanées et verront leurs amendes baisser sensiblement.
- 2) Un prêt à l’accession sociale (dit « prêt PAS »), un prêt conventionné et un prêt à taux 0% seront considérés comme partie intégrante de la politique du logement social. Par conséquent, cela reviendra à substituer les organismes bancaires – c’est-à-dire des sociétés commerciales – aux collectivités locales pour en faire des acteurs de la politique du logement social. Un ménage qui fera construire une maison ou qui achètera un appartement grâce à ces prêts verra son bien immobilier intégré dans le calcul du quota des 20%. Plus largement, dès lors qu’un primo accédant à la propriété foncière aura recours à un mécanisme d’aide (ex : le système de la maison à 15 € par jour), le bien acquis sera comptabilisé au titre du logement social. Or, un banquier, quel qu’il soit, n’est pas un philanthrope. Il prête avec des intérêts. Une fois de plus, on constate que, pour le sarkozisme, l’intérêt général est soluble entièrement dans le mercantilisme financier.
- 3) Il y aura de moins en moins de constructions nouvelles d’habitations à loyer modéré dans les communes. Chaque nouvelle maison Borloo, voire chaque maison Phénix ou Bouygues construite par les particuliers ayant bénéficié d’un mécanisme d’aide à la propriété sera prise en considération dans les statistiques. Et quand un ménage ou un individu ne parviendra plus à payer son crédit (chômage, surendettement, divorce, etc.), son « logement social privé » sera saisi et sa commune – aux 5% de logements sociaux véritables – lui rétorquera qu’elle n’a plus de places.
- 4) La mesure préconisée par Boutin intervient de surcroît dans un contexte extrêmement préoccupant. Tout le monde sait que le marché immobilier est confronté, avec le système des subprimes, à l’une des crises les plus importantes de son histoire. Des milliers et des milliers d’américains se sont retrouvés à la rue en 2007 parce qu’ils ne parvenaient plus à payer leurs crédits dont les taux avaient explosé. Le phénomène s’amplifie en 2008. Des banques ont fait faillite. La société générale a perdu plus de cinq milliards d’euros en début d’année. Aujourd’hui, la direction du Crédit Agricole reconnaît avoir accusé des pertes record et pourrait être poussée à la démission.
Qu’en déduire ? Des choses simples :
Le vrai visage de la droite et de l’UMP se révèle une fois de plus. Quand on voit aujourd’hui l’ampleur de la politique antisociale du gouvernement, les incantations mensongères du candidat Sarkozy sur le logement, sa récupération outrancière du combat de l’abbé Pierre durant la campagne des présidentielles, apparaissent d’un cynisme incroyable et d’une vulgarité absolument insupportable.