A défaut d’engloutir le Centre Pompidou de Paris sous le Tsunami de ses propositions historiques, le mouvement Lettriste aura atteint cependant aujourd’hui les cimes de l’institution avec l’exposition consacrée à son fondateur Isidore Isou au quatrième étage du Centre. Isou n’est ni le premier ni le seul artiste a bénéficier d’une reconnaissance tardive après tant d’années laissé dans l’oubli.
Exposition Isou Centre Pompidou Paris 2019
Ce n’est pas faute d’avoir agité le monde artistique ni d’avoir investi tous les domaines de la connaissance. Le créateur du Lettrisme, (proclamé à Paris le 8 janvier 1946 par Isidore Isou et Gabriel Pomerand), prônait une nouvelle poésie, préconisait une nouvelle musique. Très vite Jean-Isidore Isou Goldstein, artiste d’origine roumaine mort à Paris en 2007, élargit l’objectif de son projet à d’autres territoires. Cette ambition sans limite de révolutionner tous les champs du savoir, et pas seulement dans le domaine de l’art, atteindra la science, l’économie, la philosophie, la politique : toutes les activités humaines doivent passer sous les fourches Caudines du Lettrisme. Les arts plastiques seront les plus impliqués avec l’invention de l’hypergraphie, basée sur l’organisation esthétique de lettres et de signes (1950) puis celle de l’Art « infinitésimal » fondé sur des particules esthétiques imaginaires (1956) et de l’Art « supertemporel », reposant sur la participation infinie du public (1960). Dès 1952, avec Esthétique du cinéma, il s’empare du septième art.
Au-delà le l’impulsion donnée par Isou, les Lettristes ne cesseront de produire des textes, publier des ouvrages pour alimenter sans se lasser le feu actif du mouvement. Il a fallu en 2010 l’exposition majeure organisée par Roland Sabatier à la Villa Tamaris à la Seyne sur mer : « Lettrisme, vue d’ensemble sur quelques dépassements précis » pour infirmer le constat fait depuis de nombreuses années sur l’indifférence, l’oubli dans lesquels les artistes de ce courant se retrouvaient confinés. La remarquable exposition de 2012 au Passage de Retz à Paris :« Pensiez-vous (vraiment) voir une exposition ? Bientôt les Lettristes (1946-1977) « , mise en place par une équipe conséquente de commissaires d’exposition (Bernard Blistène et Frédéric Acquaviva assistés de Nicolas Liucci-Goutnikov ) présentait au public des œuvres de toute nature, des archives, des documents essentiels, mêlant peintures, dessins et objets, films et enregistrements, livres, revues et manuscrits parmi d’autres modes d’expression.
Cet appétit dévorant d’assumer la totalité de la pensée a engendré plus d’un tumulte, plus d’une controverse et a donné de la première génération Lettriste (Isou, Lemaître) une image de provocation permanente, voire d’intolérance. Isidore Isou enflammait ses interventions avec une fougue inextinguible.
Aujourd’hui, c’est la seconde génération Lettriste qui, depuis la disparition d’ Isou, entretient la flamme et poursuit avec une ténacité indéfectible le combat pour la reconnaissance de son mouvement artistique comme avant-garde décisive de l’art de son temps. Cette armée n’est pas remarquable par son importance numérique mais bien davantage par l’engagement sans réserve de ses soldats. Les Roland Sabatier, François Poyet, Philippe Broutin , Anne-Catherine Caron notamment, sont aujourd’hui encore autant de fantassins dévoués corps et âmes à la pérennité du mouvement, héritiers irréductibles d’un Lettrisme inscrit désormais dans l’Histoire.
Photos de l’auteur
Isidore Isou
6 mars – 20 mai 2019
Centre Pompidou Paris