La veille des 27 ans de l’UE, la Commission européenne interdit le projet d’acquisition de Alstom par Siemens, entreprises respectivement française et allemande. Depuis le rachat de la branche énergie d’Alstom par General Electric en avril 2014, l’activité de l’entreprise est concentrée sur la mobilité et le transport, notamment ferroviaire avec le TGV, le métro, ou encore le tramway. Affaibli par la perte de sa branche énergie, le groupe envisage une alliance avec Siemens, son concurrent allemand, pour faire face à la concurrence étrangère de l’Union Européenne. Le but est alors d’avoir un portefeuille d’offres rassemblant le matériel roulant et les services de signalisation.
Les acteurs impliqués dans ce cas sont bien évidement sur le plan économique les entreprises Alstom et Siemens, mais aussi leur concurrent Hitachi au Japon, Bombardier au Canada et CRRC en Chine. Sur le plan étatique, nous trouvons la France, l’Allemagne et l’Union Européenne dont la commission a pour but, dans le cadre des fusions ou des associations entre deux sociétés, de veiller à ce que l’opération ne déséquilibre pas le marché en faussant la concurrence ou en créant une position dominante par application du droit de la concurrence européenne.
L’échec d’une fusion :
Le 26 septembre 2017, le protocole d’accord entre les deux sociétés est signé. Il met en avant que la direction générale de la nouvelle société sera assurée par le PDG d’Alstom et que 50% du capital de cette entité est détenu par Siemens. Le 23 mars 2018, l’accord du rapprochement entre les deux sociétés est signé. Le 15 mai 2018, les membres du conseil d’administration sont communiqués avec six membres désignés par Siemens, dont la présidence du conseil, face à 5 membres proposés par Alstom, dont l’actuel PDG qui prendra la fonction de directeur général (CEO). Le 6 février 2019, la Commission européenne interdit l’acquisition d’Alstom par Siemens. Nous notons que, même si le terme de « fusion » ou encore de « mariage » est très utilisé par les médias français, le projet présenté devant la Commission européenne est bien une acquisition de Siemens. La raison principale évoquée par la Commission européenne est que la nouvelle entité est leader et ne possède pas de concurrence dans l’espace économique européen pour le matériel roulant à très grande vitesse et les systèmes de signalisation des grandes lignes. Cette décision nous est présentée par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, comme une « erreur économique » ou un « gâchis » par le PDG d’Alstom, ou encore comme une « erreur stratégique » par Bernard Spitz président de la fédération française de l’assurance.
Naissance d’une stratégie ?
Le mouvement intersyndical d’Alstom a soulevé les inquiétudes sur l’engagement temporaire, de quatre ans, de Siemens à ne pas racheter plus de 50% des parts et de prendre le contrôle total de la nouvelle entité. De plus, la France a tout intérêt à préserver ce qui reste de son fleuron national. Deux signaux sont intéressants à la suite de cette annonce. Le premier est l’annonce des projets de collaboration entre Bruno Le Maire et son homologue allemand, Peter Altmaier, pour des projets de modification des règles européennes pour que soient prises en compte les concurrences extra-européennes. Ceci apparait comme un signal faible de l’apparition d’une stratégie au niveau européen. Signal renforcé par l’approche des élections européennes au mois de mai prochain et la précision du projet de la France et de l’Allemagne sur une « réécriture » du droit communautaire portant sur la concurrence.
Le second signal est la réaction directe de nouvelles annonces sur d’autres moyens de consolidations d’Alstom, qui compte poursuivre sa croissance en tant que leader mondial du secteur de la mobilité. De plus, Alstom enregistre un record à son carnet de commandes de 40 milliards d’euros et un chiffre d’affaires supérieur à la croissance du marché. Enfin d’autres cas d’échec de fusion, comme Schneider Electric et Legrand en 2001, montre que chacune des entreprises a continué avec de bonnes croissances. Cet argument, appuyé par plusieurs économistes européens, démontre qu’un champion européen aurait été moins compétitif que les deux entités d’origine. Ce signal indique qu’Alstom va devoir entrer dans une nouvelle stratégie dans la lignée de celle de 2020.
Échec ou Opportunité ?
Au premier abord, l’échec de l’alliance franco-allemande donne l’avantage à ses concurrents. Parmi eux, citons le chinois CRRC, qui commercialise déjà des trains en République tchèque et sur le marché américain, dont la montée en puissance est inquiétante du fait que dans d’autres secteurs comme les télécommunications Huawei a pris une grande avance sur les entreprises européennes.
En second lieu, l’opportunité d’Alstom et de la France est d’adapter une vraie stratégie pour concurrencer le géant chinois et continuer sa croissance. L’enjeu majeur sera dès lors de consolider sa position plutôt qu’avoir un géant européen qui a peu de chance d’être concurrentiel face au chinois. Ceci, avec une évolution des règles européennes, permettra des alliances futures avec Siemens, qui deviendra une véritable force européenne, sans que le constructeur du TGV passe sous pavillon allemand.
Gaëtan Clapasson
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