Le travail de Wolfgang Tillmans (né en 1968 à Remscheid, RDA) se caractérise par un constat agaçant pour nombre de critiques d'art, à savoir qu'il est sans corpus (recueil de pièces, de documents touchant une même discipline). La discipline semble être ce qui fait défaut au photographe allemand. Mieux, il est réfractaire, refuse l'orthodoxie et le dogmatisme, sa méthode est de rejeter tous canons, esthétiques ou autres. L'ensemble de son travail parait donc disparate, hétérogène, discontinu. Le corpus du photographe allemand est éclaté, qu'il s'agisse des sujets, de la facture, voire des supports et formats. Mais si il n'y a pas d'unité du motif ou de concept, pas véritablement de sérialité, il y a tout de même un style voire une méthodologie Tillmans qui se caractérise par le dépouillement, l'absence d'effet, une bonne dose de provocation, le refus de la narration et une forme positive de dilettantisme polysémique esquivant les lourdeurs de l'intellectualisme facile. L'obsession première de sa démarche est de parvenir à une forme paradoxalement sophistiquée d'immédiateté.
Filiations et parallélisme
Si on ne peut que difficilement cataloguer le photographe plasticien allemand il est par contre assez aisé de déceler les filiations. Dans les années 1980 Wolfgang Tillmans s'installe à Londres et fréquente assidument le milieu techno gay. Il y a donc en premier lieu une volonté de témoigner sous la forme stylistique du documentaire d'un mode de vie plus ou moins marginal. On aurait plutôt envie de dire anticonformiste, non conventionnel tant il ressort parfois, probablement à l'insu de l'artiste lui même, un aspect jet set à tendance trash de certaines images.
Dés lors les héritages culturels deviennent évidents: on va de Diane Arbus à Dorothea Lange en passant par Larry Clark et Nan Golding. De ce point de vue le plasticien allemand est tout de même moins radical sur le fond que ses prédécesseurs tout en étant plus extrême, dans une certaine mesure, sur la forme qui se veut sans style. Une forme qui semble adopter le " style " de la photographie amateur spontanée, au flash, cadrée apparemment au petit bonheur, dans le registre propre à l'ère d'Instagram et autres réseaux sociaux.
Mais quand on regarde de plus près le corpus disparate de Tillmans on constate aisément que cet aspect brut des clichés relève d'autre chose que le simple emprunt au numérique. Dans la froideur des photographies de Tillmans se dévoile également l'influence de la photographie objective allemande, entre autre d'un Thomas Ruff ( voir notre article). Dés lors apparait une forme d'unité d'appréhension du réel et donc de " style "dans le travail du plasticien, qu'il s'agisse de ses photographies ou des documents variés qu'il adjoint à son travail dans la scénographie si spécifique de ses expositions.
Rhizome et documents
Les expositions de Tillmans sont caractéristiques par leur accrochage. Il mêle des formats et des supports très variés, des sources ponctuelles qui sont autant de commentaires des photographies grossièrement épinglées sur les murs, parfois à des hauteurs les rendant difficile à examiner. Ces scénographies en rupture avec les formes muséales conventionnelles répondent, outre à la volonté de rafraîchir le regard en sortant des cadres habituels, à une conception de l'œuvre comme une galaxie de documents témoignant d'une histoire personnelle et représentative d'une époque. D'ailleurs une caractéristique supplémentaire de ce travail est qu'il évolue fortement dans le temps, puisque l'on voyage de la scène techno à l'observation des étoiles jusqu'à des pièces abstraites et plutôt esthétisantes.
Les expositions comme système
Finalement le meilleur moyen de comprendre l'originalité de Tillmans est non pas de feuilleter un portfolio ou un catalogue mais de voir ses expositions. Elles sont des documentaires complexes d'une époque dans une forme assez âpre mais très sophistiquée, qui repose sur l'idée directrice que l'ère post-moderne est profondément nourrie par l'image et ses démultiplications infinies. Mais à l'inverse du pop art qui dénonçait ironiquement et avec un hédonisme débordant la substitution de l'icône au réel, le plasticien allemand se coule dans ce flux et en dévoile des parcelles avec distance ce qui n'interdit pas l'empathie. Après la critique moderniste, Pop Art et ainsi de suite Tillmans se situe du côté du hacking, de la récupération et du détournement, de l'emprunt décomplexé et lucide.
Expositions 2017
- Exposition Wolfgang Tillmans
Wolfgang Tillmans, biographie:
1968 Naissance à Remscheid, RFA.
1988 Exposition de travaux à la photo-copieuse au Café Gnosa, Hambourg.
1989 Premières photographies pour des périodiques (Tango, Tempo, I-D).
1992 Installation à Londres.
1994 Installation à New York. Première exposition individuelle à la galerie Andrea Rosen.
1995 Premier livre chez Taschen.
1998 Retour à Londres. Enseigne à la Hochschule für bildende Künste de Hambourg. Publication d'œuvres abstraites: " Parkett ".
2000 Obtention du Turner Prize.
2003-2009 Enseigne à la Städelschule de Francfort-sur-le-Main.
2003 Exposition à la Tate, Londres.
2009 Participation à la 53e Biennal de Venise.
2013 Devient membre de la Royal Academy of Arts, Londres.
Galeries:
Enchères:
Wolfgang Tillmans, " Freischwimmer " #81 (2005)
Photo , C print , 181 cm x 238,1 cm
Estimation: 91 088 € - 136 632 €
Prix au marteau: 466 826 €
Sotheby's , 28/06/2017
Royaume-Uni
Paper drop (Krishnamurti) (2006)
Photo , C print , 27 cm x 40,5 cm
Estimation: 8 000 € - 12 000 €
Prix au marteau: 16 000 €
Grisebach , 02/06/2017, Allemagne.