Magazine Culture
À la toute fin des années quatre-vingts les Stone Roses étaient les leaders, lymphatiques, mais tout de même maximaux, de la scène britannique dite de Madchester (un mot valise agglomérant habilement ville de Manchester et folie douce, aucun rapport avec la schizophrénie et le fromage de chester, les plus malins et polyglottes d'entre vous m'auront compris avant moi et sans moi). En dehors du lexical nos drôles d'oyseaux s'habillaient très large tout en étant un genre d'espèce de phénomène de foire « rock indépendant » mélangeant les guitares des premiers Pink Floyd et autres Byrds (en somme l'early late sixties) avec de larges palanquées de musique de danse toxicomanisée (l'acid house, la rave music ce genre de choses frôlant l'illégalité la plus crasse). Pour tout dire, l'empilement de ces deux époques et de ces deux styles pourtant un poil oxymoriques était presque parfait, les mélopées tournicotaient dans une sorte de transe légère et le chanteur, un jeune gandin nonchalant nommé Ian Brown, marmonnait pas dessus l’ensemble avec une arrogance froide et détachée qui avait tout de la malveillance sans effort. Reni et Mani sorte de Rox et Rouky drogués s'occupaient de la section rythmique (outre le tambourinage Reni remettra au goût du jour le port du Bob ce qui était ultra cool il faut bien le dire), la guitare était tenue par John Squire, un peintre défroqué qui en dehors des riffs lysergo malingres était aussi responsable de la bien jolie pochette (du Pollock aux petits pieds). Trente ans plus tard (putain trente ans !) l'auditeur averti peut encore écouter cet album avec une pointe de satisfaction retorse. I Wanna Be Adored est toujours ce titre qui ne demande pas l'adoration, mais qui l'attend simplement (la basse rampe parfaitement, la guitare de Squire ponctue à l'avenant), I Am The Resurrection ne souffre d'aucun débat c'est une chanson formidable, She Bangs the Drums téléporte le Paisley underground sur le Dance Floor, This Is the One sonne comme un chant de football touché par la grâce... En dehors de l'extraordinaire single Fools Gold (un truc tribalo mancunien indépassable), les Stones Roses ne feront jamais mieux, on s'en fiche assez, l'essentiel était dit.