de Jeanne Benameur
Roman - 280 pages
Editions Actes Sud - janvier 2013
Editions poche Babel - mai 2014
Grand Prix RTL Lire - 2013
Au crépuscule de sa vie, Octave Lassalle, ancien médecin, vivant seul après le décès de sa fille qu'il n'a pas osé opéré, et le départ de sa femme vers le Canada, décide d'organiser à sa façon avec anticipation l'entrée dans sa dixième décennie. Il recrute alors quatre personnes qui se verront attribuer des tâches spécifiques à tour de rôle dans la journée, et pourront dormir à demeure dans l'une de ses nombreuses chambres. Il y a Marc Mazetti, un homme traumatisé par ce qu'il a vécu à une sombre époque en Afrique, qui viendra tous les matins à 7h s'occuper du rasage de M. Lassalle et du jardin. Puis Hélène Avèle, une peintre héritière qui reçoit la délicate mission de s'atteler à la réalisation d'un portrait très intime, très particulier. Ensuite à 18h doit venir Yolande Grange, une femme qui cherche ardemment de l'affection notamment auprès d'une jeune fille qu'elle héberge. Enfin, la jeune étudiante Béatrice passera ses nuits dans la demeure et profitera du calme pour réviser. Tout cela le rassure, et tout cela l'anime par le fait qu'il va pouvoir être à l'origine de nouveaux liens qui pourront se tisser entre ces personnes qui ne se connaissaient pas.
C'est le dernier défi d'un homme aisé. Jeanne Benameur nous livre le roman non pas de la mort qu'on se choisit, mais de la fin de vie, comme la possibilité de recréer un tournant personnel et volontaire, jusqu'à ses dernières années. Parce que l'homme n'est pas fait pour la solitude, parce qu'il doit être spectateur et acteur du lien social.
Extrait :"Ils sont là, derrière la porte. Il ne faut pas que je rate mon entrée.
Maintenant que je les ai trouvés, tous les quatre, que je les ai rassemblés, il va falloir que je les réunisse. Réunir, ce n'est pas juste faire asseoir des gens dans la même pièce, un jour. C'est plus subtil. Il faut qu'entre eux se tisse quelque chose de fort.
Autour de moi, mais en dehors de moi;
Moi qui n'ai jamais eu don de réunir qui que ce soit, ni famille ni amis. A peine mon équipe à la clinique, parce qu'ils y mettaient du leur. Je leur en savais gré. Ce n'est pas la même affaire dans une clinique, les choses se font parce que sinon c'est la vie qui part. Ce n'est pas autour de moi qu'ils étaient réunis, c'était autour de la mort. Et ça, c'est fort.
Là, j'ai su tenir ma place."
Profanes est tissé par une écriture délicate et décrit les personnages avec une forte sensibilité.C'est aussi presque un roman silencieux, un roman avec peu de dialogues, des pages qui scrutent les déplacements et les pensées de chacun, un récit pour l'apaisement.
Extrait :
"Les quatre qui ont accompagné ma journée aujourd’hui, depuis si longtemps que je ne touche plus le corps des hommes, des femmes, que je ne sauve plus personne, ces quatre-là, ce sont ceux qui peuvent m’enseigner aujourd’hui.Il n’y a pas de maître.Pas de fils de dieu.Pas de prophète.Rien que des hommes et des femmes.Des profanes." Un très beau roman dont on se délecte, un huis clos ouaté, fragile, neuf et ancien à la fois. [merci Nicole !]
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