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Glaise, Franck Bouysse

Par Antigone

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Je suis comme une idiote à ne pas savoir comment parler de ce livre de Franck Bouysse que j’ai pourtant beaucoup aimé. Alors me voici en train de regarder la quatrième de couverture, pour y piocher quelques idées… Et il y est dit que ce roman à l’écriture à la fois âpre et lyrique, est sauvage et poignant. On le compare au Bruit et à la fureur de Faulkner, tout en traitant l’auteur de sculpteur hors pair de la langue. Bon bon bon… tout cela est un peu dithyrambique, je n’ai visiblement pas été la seule à hésiter devant les mots à employer pour décrire ce roman. Mais situons l’histoire, pour commencer… Nous sommes à l’été 1914, dans le Cantal. Les hommes sont mobilisés et les fermes confiées aux femmes, aux hommes trop âgés, trop jeunes ou invalides. Joseph se retrouve ainsi seul avec sa mère et sa grand-mère. Heureusement, Léonard, le voisin, va donner un coup de main. Dans la ferme voisine, Valette, resté à la maison en raison d’une main estropiée, reçoit sa belle-soeur et sa nièce, tandis que son fils et son frère sont sur le front. Tout ce petit monde va se jauger, s’aimer ou se détester copieusement tandis que la guerre fait rage, s’éternise et que les nouvelles du front se font rares. Valette est connu pour être abject et rancunier. Le lecteur va rapidement s’apercevoir qu’il peut être à la hauteur de sa réputation. Mis à part les deux jeunes gens qui s’éveillent ensemble à l’amour et à la sensualité, il faut dire que la situation des adultes est compliquée. Chacun est enfermé dans ses pensées, sa solitude, le souvenir des absents et cherche à oublier à sa façon le présent. Franck Bouysse excelle réellement à créer un climat de tension palpable, dont le premier acte est un orage impressionnant dont Joseph a très peur. Les orages ont eu le mauvais rôle dans l’histoire de la famille. Mais qui de la nature ou des hommes auront le plus à coeur de rejouer la prochaine partie de malheur ? La mère de Joseph se perd dans le travail, la femme de Valette dans le souhait d’une nouvelle maternité, sa belle-soeur dans la mélancolie… Et Franck Bouysse excelle aussi à décrire des montagnes à la fois belles et hostiles, mystérieuses, qui cachent à peine la folie et l’imprudence des hommes. Dans ce roman, on patauge régulièrement dans la fange, avec de la glaise jusqu’au cou, on pense que personne ne s’en sortira indemne, on tremble pour la naïveté des jeunes gens, on voudrait pouvoir vomir un bon coup, sauver ce qui peut l’être et s’enfuir au loin. Nul besoin d’être au front en somme pour vivre l’enfer. Ce roman dur et violent, servi par une écriture superbe aux longs passages allant parfois jusqu’au lyrisme, est fascinant et effectivement d’une beauté glaciale digne des plus grands romans.

Editions Le livre de poche – septembre 2018

J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…

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