tu viens tu manges tu nages tu rêves tu lis
tu cours parfois après le clair l’illimité pourquoi de tes actions
tu te demandes parfois d’où tu viens si seul
correctement vêtu et illisible selon l’allure de la chanson
avec l’heure incommode et lourde dans ton sommeil
tu te demandes parfois ce que sera demain
trempé dans la liqueur salée des airs serrés entre les terres
jamais tu ne te demandes ce que
tu es
à cet instant qui ne saurait attendre ta réponse et fuit
ne sois la dupe des attractions sonores
qui jouent au doute et au nuage dans ton écho
sur d’autres marges incalculables
tu descendras les marches du temps à perdre
les gradations des ombres usurières sur la plage brossée à neuf
et dans les poches alternatives des à-peu-près
creusés au seuil des vagues rudes bien nourries
la cornemuse blesse déjà le digne simulacre
de nos raisons chargées de l’étendue sans spasmes des prairies
et leur livide gravité aux grappes de raisins
s’attarde médiocrement le long du crépuscule et de la peau
***
Tristan Tzara (1896-1963) – L’arbre des voyageurs (Éditions de la Montagne, 1930) – Dédié à Greta – Poésies complètes (Flammarion, 2011) – Édition d’Henri Béhar.