C’est ce que dit Hui-Neng (1)en parlant de sa méthode : le Ch’an (devenu le Zen lors de son introduction au japon au 12ème siècle).
Reprenant cette citation à l’occasion d’une conférence, une personne
dans l’assistance me dit : « Monsieur, à vous entendre, j’ai
l’impression que vous ne vivez pas dans le monde dans lequel nous
vivons. Pour nous proposer d’être calme, dans la complexité du monde
actuel … il faut être réac. »
Prôner un retour à l’état de santé fondamental de l’être humain a
certainement un côté révolutionnaire, parce qu’il s’agit de proposer une
voie de guérison autre que l’hyper consommation d’anxiolytiques et
autres psychotropes afin d’éliminer la cause de l’angoisse et des états
qui l’accompagnent avec un cortège de symptômes, parmi lesquels, un état
d’être soucieux, une inquiétude latente, une peur souterraine, le
burn-out ou la dépression.
La méthode proposée par Hui-Neng est la pratique de la méditation
appelée zazen. Il ne s’agit pas d’une invitation à se couper du monde ou
à se retirer dans un monastère ou sur une île déserte afin de fuir les
bruits du monde.
Visitant les nombreux temples Zen dans la région de Kamakura, j’ai
rencontré un maître d’Aïkido. Il m’a expliqué que les guerriers
samouraï, pendant plusieurs générations (13ème siècle) pratiquaient la
méditation Zazen dans les temples. Pourquoi ? Parce que cet exercice se
rapprochait de leur entrainement quotidien aux arts martiaux quant à la
nécessité et à la possibilité d’accéder au calme intérieur qui garantit
l’efficacité au cours d’un combat !
Le mot samouraï désigne un homme d’action.
Tout homme - ou femme - d’action, aujourd’hui, qu’il soit médecin,
entrepreneur, artisan, professeur (n’hésitez pas à ajouter votre
profession), n’aurait-il pas avantage, à engager son activité en
s’appuyant sur cette qualité d’être qui manque cruellement à l’homme
actuel : le calme intérieur ?La méditation Zazen est un exercice de transformation, sur un chemin de
maturation qui a pour sens le passage de l’adulte à l’homme mûr.
L’adulte ? C’est l’homme identifié au niveau d’être qu’on appelle l’ego.
Le maître Zen Seki Yuho Roshi (2)
répondait, en souriant, à une personne qui lui demandait ce qu’est l’ego
: « L’ego ? C’est un sac de réactions mentales, un sac de réactions
physiques, un sac de réactions affectives. »
L’homme mûr ? « C’est la personne qui embrasse calmement la situation qui se présente à elle à l’instant ». (K.G.Dürckheim)
Quant au calme, on ne peut pas le fabriquer à coup d’exercices; la
méditation n’a rien à faire avec le développement personnel; méthode qui
semble avoir pour but primordial le passage d’un ego de taille XXL à la
taille XXXL.
Le calme, le grand calme intérieur est toujours là, présent au plus
profond de chacun. Le découvrir exige un travail de déségocentration.
Zazen, c’est se rendre disponible afin de laisser agir notre vraie
nature d’être humain; source d’une manière d’être et d’une manière
d’agir inhabituelle désignée aussi bien en Orient qu’en Occident
(Philosophie Hellénistique) comme étant celle du sage
Jacques Castermane
(1) Hui-Neng : 6ème
patriarche du Chan en Chine (638-713 ap. J.C.). Dans le sutra de
l’estrade il indique que l’esprit de l’être humain n’est pas la pensée
mais le vide et le calme qui sont le fondement et la source de la
parole-événement à ne pas confondre avec la parole-idée.
(ce qui sera le thème d’une lettre ultérieure)
(2) Seki Juho Roshi (1900-1982)
abbé du monastère rinzai-zen de Eigen-ji (Kobe)l est venu chaque année
en Forêt-Noire pour animer des sesshin dans le village où vivait Graf
Dürckheim (1973-1982).
Il commençait chaque sesshin en nous disant : « Le Dharma est né en Inde
il y a deux mille cinq cents ans. Cet Enseignement est ensuite passé en
Chine sous le nom de Ch’an. Il y a sept cens ans, il est arrivé au
Japon où il est appelé Zen. Mais les Japonais n’ont pas imité les
Chinois; ils ont créé un Zen japonais. Aujourd’hui, le Zen intéresse
l’Occident. N’imitez pas les Japonais ! Vous devez mettre en place un
Zen qui puisse prendre place dans la tradition occidentale. »
Lorsque je lui ai demandé comment entreprendre cette transformation, il
m’a répondu, en éclatant de rire « IMITEZ les Japonais pendant trois
générations… ! »
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