Critique de 2+2, de Cyril Gely et Eric Rouquette, vu le 23 février 2019 au Théâtre Tristan Bernard
Avec José Paul, Claire Nebout, Elsa Lunghini et Eric Savin, dans une mise en scène de Jeoffrey Bourdenet
C’est pour José Paul que j’ai décidé de découvrir ce boulevard monté au Tristan Bernard au titre numérique. L’acteur est une valeur sûre, je le suis depuis plus de dix ans maintenant et je sais que sa présence sur scène empêchera tout naufrage d’un spectacle : sa présence, son charisme et ses apartés merveilleusement rythmés ne sont plus à prouver. J’y vais donc les yeux fermés, et ce n’est qu’après réservation que j’apprend que la pièce porte sur l’échangisme. Mais cela ne me refroidit pas : au contraire, je n’ai encore jamais vu de boulevard portant sur le sujet et j’ai plutôt hâte de voir ce que Cyril Gely et Eric Rouquette ont à dire à ce propos. Apparemment, pas grand chose.
2+2, comme son nom l’indique, raconte l’histoire de deux couples d’amis, Patricia et Alain d’un côté, Caroline et Stéphane de l’autre ; les premiers ont invité les seconds dans leur maison de campagne pour le week-end. On comprend rapidement que ces vieux couples ont tous les deux eu quelques moments difficiles ces dernières années… problèmes que Patricia et Alain ont résolu en se rendant dans un club échangiste plusieurs fois par mois. Cerise sur le gâteau, si cela a relancé leur couple, il semble que ça ait aussi excité davantage Alain qui a récemment proposé à Caroline de l’accompagner dans le même club pour combler un manque que Stéphane ne souhaite pas satisfaire. Seulement voilà : Patricia n’est pas au courant de ce petit arrangement, et Stéphane ne sait même pas que ses amis pratiquent l’échangisme…
Je dois reconnaître que j’étais assez intéressée par le sujet. Ma déception fut grande : le spectacle peut se résumer comme un grand débat avec d’un côté Alain expliquant à Stéphane que non, l’échangisme n’est pas sale et que c’est un fantasme présent chez de nombreux couples que de voir son partenaire dans les bras d’un autre, et, de l’autre, Stéphane hurlant à Alain qu’il n’est qu’un dépravé et un pervers sexuel et que jamais lui ne s’adonnerait à pareilles pratiques. En gros, c’est ça pendant 1h15 – on comprend d’ailleurs pourquoi le spectacle est si court : les auteurs semblent tellement peu inspirés !
A quelques reprises, on sent des emprunts à la géniale Illusion Conjugale de Eric Assous, quand les auteurs cherchent à élever un peu le débat en insinuant que embrasser une autre femme sans le consentement de son partenaire peut se révéler pire que pratiquer l’échangisme avec lui. Mais les tentatives sont vaines et le désintérêt se fait de plus en plus présent à mesure que la pièce avance. Certains trucs de mise en scène deviennent pénibles, comme la répétition d’un gros plan sur un personnage spécifique en début de scène, rappelant la situation présente et présentant le moment à venir – ces explications inutiles sentent le remplissage à plein nez et n’apportent aucun complément d’information au spectateur ni ne servent à faire avancer l’action. Bref, un effet inutile.
J’ai du mal à comprendre comment Cyril Gely, l’auteur du pourtant génial Diplomatie qui m’a laissé un souvenir marquant et qui était un vrai texte théâtral, a pu pondre pareille pièce : elle n’avance pas, elle ne surprend pas, elle ne part de presque rien et ne va nulle part, tant et si bien qu’elle est obligée de faire intervenir le surnaturel – ou, du moins, des phénomènes inexpliqués – pour amener une fin pourtant sans aucune originalité. Le texte, heureusement, ne tombe pas dans la vulgarité, mais ne fait pas dans la dentelle et la subtilité non plus, en témoigne cette cheminée phallique qui trône sur la scène – au cas où on n’avait pas bien compris quel était le sujet. On sauvera les acteurs, qui permettent de faire de ce spectacle, sinon un vague divertissement, du moins un moment qui se laisse voir.
Plus qu’à attendre le prochain José Paul.