Jeudi 21 février 2019 - Théâtre des Champs-Elysées
Ce programme est dédié à la musique française baroque qui a influencé une vaste école, de Bach à Telemann mais aussi les Italiens. Deux compositeurs d’opéra, Jean-Philippe Rameau, élite de la musique d’opéra française du XVIIIe siècle et Joseph Bodin de Boismortier, auteur de la musique du Don Quichotte, influencé par la musique italienne, mais aussi Jean-Marie Leclair, moins connu, compositeur-violoniste lyonnais qui a passé une partie de sa vie en Italie, à Turin, auteur d’une très belle musique, avec contrepoint et richesse à la française.
Voilà qui signe un bel échange d’expériences entre l’Italie et la France.
Joseph de Bodin de Boismortier Suite d’orchestre Don Quichotte chez la duchesse, op.97, d’après le ballet comique en trois actes sur un argument de Charles-Simon Favart.
Boismortier, qui composa essentiellement pour la flûte traversière était très en vogue dans les salons de la noblesse pour sa musique plaisante et ce Don Quichotte chez la duchesse eut un grand succès à sa sortie en 1743. Loufoque, parodique du Don Quijote de la Mancha de Cervantès, la musique de ballet à travers menuet, gavotte, passepied ou chaconne évoque les aventures de Don Quichotte à la recherche de Dulcinée, dans un ballet étourdissant de monstres et de personnages hystériques. Le rythme est trépidant, joyeux, arrachant des applaudissements enthousiastes et intempestifs à un groupe de collégiens de Seine-Saint-Denis peu habitué aux codes de la salle de concert …
Jean-Marie Leclair
Concerto pour violon et orchestre n°3 en ut majeur, op. 7
Leclair fut d’abord danseur et maître de ballet à Turin ; il lui en resta un sens du rythme précieux pour un violoniste et il devint un des plus éminents représentants de l'école française de violon du XVIIIe siècle. Formé à l'école italienne de violon, Leclair fit une carrière de soliste et de compositeur, à la ville, notamment au Concert Spirituel où ses concertos étaient régulièrement joués, mais aussi à la Cour en tant que violoniste de la Chambre et de la Chapelle royale. Ses concertos, d'une grande qualité formelle, ont une écriture particulièrement dense et contrapuntique, peu commune en France à cette époque et sans doute rapportée par Leclair de ses nombreux voyages à l'étranger.
Jean-Philippe Rameau
Suite d’orchestre d’Abaris ou Les Boréades
Rameau eut un début de carrière décousu, et ne connut le succès qu’à cinquante ans quand il donna Hippolyte et Aricie pour devenir plus tard compositeur de la Chambre du roi.
Les Boréades de Jean-Philippe Rameau, œuvre d’une beauté absolue, est une musique tardive dans la vie de Rameau, le baroque déjà contaminé par l’ école galante. C’est l’annonce du préclassicisme. On trouve déjà des clarinettes dans l’orchestre ; il fut l’un des premiers musiciens à les utiliser. Musique affranchie des contraintes de son temps, inventive, stupéfiante avec des changements de couleurs, de la joie à la mélancolie, cette œuvre est une sorte d’acmé de son expérience. Pour diverses raisons, Abaris ou les Boréades ne fut pas joué du vivant de Rameau. Son œuvre ne fut représentée que deux cent dix-neuf ans plus tard, en 1982.
L’orchestre de chambre et le dirigé-joué de Fabio Biondi
Pour Fabio Biondi, « Un orchestre chambriste est beaucoup plus adapté à ce répertoire qu’un orchestre symphonique car la musique française demande une concentration énorme sur le petit détail ». On comprend donc l’intérêt musical mais aussi la joie de partager avec les musiciens de l’Orchestre de Chambre ce répertoire finalement peu joué dans la période moderne.
La pratique de diriger en même temps que jouer du violon date du début du XVIIe siècle mais elle se prolonge jusqu’à la moitie du XIXe siècle.
Pour Fabio Biondi, diriger au violon c’est donner des gestes familiers aux musiciens qui ont plus de facilité à suivre un violon qu’un chef ; c’est familier et proche du sentiment des musiciens et le public est très sensible à cette osmose entre le corps du violoniste et l’ensemble des corps des violonistes de l’orchestre. Nous sommes comme pris dans un bain magique de violons, notamment dans le rappel qui reprend Les Boréades de Rameau.
Pour mémoire :
Fabio Bondi a fondé en 1990 Europa Galante, un des ensembles baroques les plus renommés au monde, se produisant à La Scala de Milan, au Musikverein de Vienne ou au Lincoln Center à New York.
Il collabore comme soliste et chef avec des orchestres tels que l’Orchestre Santa Cecilia à Rome, l’Orchestre de chambre de Zürich ou l’Orchestre national de Montpellier. En 2017-2018, il dirige l’Orchestre de chambre de Stuttgart et l’Orchestre symphonique de Chicago notamment.
Directeur artistique de l’Orchestre de Stavanger (2004-2015), il est ensuite nommé directeur musical de l’Orchestre du Palais des Arts à Valence.