l’hiver noircit la forêt
des fleurs insubmersibles
gardent les profondeurs
La corde dans l’escalier
balance comme une horloge,
comme les flottants poumons de l’ombre,
le corps rouge du poème
Nul ne voit le sang dans son verre
nul n’aboie à sa caravane
nul ne passe
Au premier feu, le cœur s’affaisse –
cotons et poudres
blouses dans l’air noir
Nuages d’or
fer dans la gorge,
on reste longtemps
l’œil sur le crépuscule
et le fer dans la gorge
On s’oxyde
Affection exonérante
éclosion de bêtes mortes
printemps tenaille,
ça ne va pas tarder à suffire,
ça suffit
C’est comme ce qu’il a fallu de sang
pour passer du veau vivant
au bracelet de ma montre
Les chevaux d’ambulance
les chevaux du mardi
aux jambes coupées comme celles des hommes,
les chevaux du pas de danse
sur la piste des faucheurs
et dans les longs couloirs
l’écho de leur entrailles
Sous le dais blanc, le dé noir
le bras de l’infirmière
dans la nuit de la soif
Galeries des morts, petites bouteilles
et les premiers couteaux du jour
comme si c’étaient des cris de singes
en haut de la lumière
Toute la nuit le bruit du couteau sur la pierre
et tout le jour le bruit de la pierre sur la tête
Toute la nuit le bruit du feu dans la poitrine
tout le jour le feu du bruit dans la mâchoire
La ronce poussée dans l’œil
est la seule fleur de ce matin
Faucons de grêle
Des paupières de plomb
se ferment à midi,
des rideaux de chair,
des jupes de fer,
de lentes agrafes
dans la poitrine
Le soleil sur la pierre
est en retard d’une ombre
La terre n’est pas ronde,
la terre est un rectangle
de viande sale et de sangles,
un bout de faim dans la louche
La terre est une vallée de crabes
Mort le porceau, que faire des perles ?
À qui offrir la rosée bleue ?
À quelles épaules fades
quels cheveux jaunes
quelle sainte horreur
quel corps pourri ?
À qui jeter les perles molles ?
***
Pierre Peuchmaurd (1948-2009) – Scintillants squelettes de rosée (Simili Sky, 2007)