[Critique] Si Beale Street pouvait parler

Par Wolvy128 @Wolvy128

Harlem, dans les années 70. Tish (KiKi Layne) et Fonny (Stephan James) s’aiment depuis toujours et envisagent de se marier. Alors qu’ils s’apprêtent à avoir un enfant, le jeune homme, victime d’une erreur judiciaire, est arrêté et incarcéré. Avec l’aide de sa famille, Tish s’engage dans un combat acharné pour prouver l’innocence de Fonny et le faire libérer.

Deux ans après Moonlight, couronné de 3 Oscars (dont celui de meilleur film), Barry Jenkins revient avec Si Beale Street pouvait parler, adaptation du roman éponyme de James Baldwin. Une nouvelle réalisation qui, malgré ses qualités indéniables, alterne – comme la précédente – le bon et le moins bon, pour un résultat final, certes séduisant, mais terriblement inégal.

Techniquement, il faut le dire, le long-métrage est un véritable petit bijou. De la mise en scène, somptueuse à souhait ; à la photographie, extrêmement soignée ; en passant par les cadrages, superbement travaillés ; et le montage, d’une rare efficacité ; l’image nous régale littéralement la rétine pendant près de 2 heures. Sans parler de la narration et de la musique qui accompagnent aussi magnifiquement l’ensemble. De quoi conférer à l’œuvre une aura tout à fait singulière, sorte de mélange d’authenticité et de pureté, que les deux acteurs principaux retranscrivent également à la perfection. L’un comme l’autre crèvent effectivement l’écran dans la peau de ces deux êtres amoureux fous, aussi sincères que pudiques dans leurs sentiments. Pourtant, malgré ce constat pour le moins réjouissant, la sauce ne prend pas véritablement, ou beaucoup trop rarement. La faute à un sentiment de désordre présent tout au long du récit.

A travers cette fabuleuse histoire d’amour, le réalisateur s’essaye en effet à plusieurs registres, multipliant les ambiances et les thématiques. Une intention louable qui ne convainc malheureusement pas sur la durée, le récit s’abandonnant régulièrement à des redites, des séquences peu subtiles ou, pire, complètement inutiles. Le passage avec le flic caricatural ou le voyage à Porto Rico en sont des exemples flagrants. Le problème principal du long-métrage réside néanmoins surtout dans ses nombreuses longueurs, conséquences directes d’un rythme très inégal et d’un cruel manque d’enjeux. Le second point est d’ailleurs particulièrement problématique dans le sens où, malgré la beauté de l’amour que se portent Tish et Fonny, on ne peut s’empêcher de voir les deux amants comme de simples figures sensuelles, totalement dépourvues de consistance. Un peu comme si le cinéaste n’était pas réellement parvenu à se distancier du matériau d’origine. Il en découle, dès lors, un récit extrêmement inégal, enfouissant ses quelques envolées dans un ensemble trop plat que pour marquer les esprits.

Formellement splendide, Si Beale Street pouvait parler est donc une adaptation séduisante, mais quelque peu bancale, du roman éponyme de James Baldwin. A l’instar de Moonlight, précédente réalisation de Barry Jenkins, le film livre à nouveau quelques superbes envolées lyriques, mais ne décolle malheureusement jamais vraiment. La faute à un récit désordonné et un rythme chaotique.