Il y aurait, dit-on, un souci de confiance des Français dans leur classe politique. Au milieu du mois de janvier, on découvrait même que jamais la défiance du peuple envers ses représentants élus n’avait été aussi forte. Franchement, on se demande pourquoi.
Pourquoi diable ce peuple, qui a pour ainsi dire défini ce que la démocratie et la représentation nationale doivent être au point de régulièrement raccourcir certains de ses représentants, s’en vient à se détourner à ce point de ceux qu’il a élus dans ce qu’on peut raisonnablement qualifier d’un élan électorale sans ambiguïté ?
C’est vraiment étonnant qu’en définitive, les politiciens trouvent de moins en moins grâce auprès d’un peuple qui persiste pourtant à les placer à des postes importants, à leur donner les clés du pays et à les laisser agir à leur guise, quitte à constater l’ampleur du désastre une fois leur mandat achevé et à terminer, malgré tout, par des applaudissements.
Et c’est donc avec étonnement que, régulièrement, nos députés, nos ministres ou nos élus locaux de tous bords s’ouvrent dans la presse avec tristesse sur cette défiance étrange qui s’empare régulièrement des électeurs.
Pourtant, nos politiciens ne ménagent pas leurs efforts pour montrer à tous qu’ils sont à leur écoute ; ici, je ne veux pas parler de l’écoute attentive dont certains Gilets Jaunes bénéficient spécifiquement et qui vise essentiellement à mieux cerner leurs revendications parfois confuses, mais je parle bien du fait que, lorsque le peuple s’exprime, nos élus entreprennent toujours les démarches nécessaires pour répondre à ses angoisses.
Prenez la taxe carbone : sa mise en place a fait exploser les prix des carburants, jetant sur la routes et les (trop nombreux) ronds-points français des dizaines de milliers de Gilets Jaunes prêts à en découdre. Passés deux mois de stupéfaction ahurie (« comment, le peuple serait contre une bordée de taxes supplémentaires ? »), passée une période d’atermoiements stériles sur le mode « Mais si on supprime cette taxe, par quoi va-t-on pouvoir la remplacer ? », nos élus se sont vite ressaisis : ce petit moment d’égarement du peuple ne saurait durer, et cette taxe carbone devra bien être mise en place.
C’est donc ainsi que 86 députés, fiers d’être en phase avec leurs électeurs qui – on en est absolument certains – réclament un retour puissant d’une taxation écologique vexatoire, se sont donc à nouveau prononcés pour la remise en place de cette taxe.
Bien évidemment, le chef de l’État, sentant confusément que la période n’est probablement pas trop propice à la moindre médiatisation d’un nouveau tabassage fiscal, s’est empressé de calmer les ardeurs de ces législateurs zélés. Mais il faudrait être d’une naïveté de jeune fille ou d’une opacité mentale de journaliste moyen pour croire plus de deux secondes que cette taxe ne reviendra pas une fois le calme revenu sur les ronds-points.
Mais enfin, reconnaissons-le : justifier la défiance des Français par cette obstination de nos élus à vouloir absolument mettre en place cette écotaxe punitive, ce serait un peu court. Non, c’est dit : le peuple français est vraiment trop pusillanime, trop terre-à-terre et mérite parfois de se faire cornaquer un peu vigoureusement s’il ne veut pas aller au fossé.
De la même façon, on ne voit pas pourquoi le peuple pourrait bien reprocher aux politiciens de ne jamais tenir leurs promesses : par définition, la parole donnée par un élu n’a absolument jamais rien valu, il serait donc étonnant que, subitement, le peuple demande à présent que ces élus soient comptables de leurs belles promesses.
Dès lors, il n’y a aucune raison d’être surpris en apprenant que Hollande, l’ennemi officiel de la finance, s’est dernièrement lancé dans la facturation de conférences qu’il donnera aux quatre coins du globe (probablement pour expliquer comment flinguer un parti politique, comment ruiner un mandat de président, comment se faire ridiculiser par une ado roumaine de 14 ans, comment passer pour un clown dans toutes les institutions internationales, etc.). À raison de plusieurs centaines de SMIC par speech, on sent que la retraite de l’ex-président sera douillette.
Et qui, mieux que Richard Ferrand, lui-même empêtré dans une sordide affaire immobilière dont tout indique qu’elle sera progressivement étouffée par une République sinon irréprochable au moins fort discrète, pour propulser Juppé dans ce nouveau poste doré ?
Assurément, une telle démonstration de probité, d’honnêteté et d’intégrité morale suffit à redonner au peuple une solide confiance dans ses élus, ses élites et ses dirigeants !
Non, décidément, il faudrait vraiment être de très mauvaise foi pour accréditer ceux qui continuent de douter de la bonne volonté de nos élus, de leur sens inné de l’écoute, de leur prise directe avec le réel et de leur probité.
Cette défiance des Français envers leurs élus ne repose sur rien de concret. J’irai même jusqu’à dire que cela sent la rumeur factieuse et la sédition facile fomentée par ces réseaux sociaux de malheur qui ne font rien qu’à semer la zizanie et le doute chez les électeurs ! Heureusement que nos élus en ont pris conscience et qu’Edouard Philippe, le premier ministre, va rassembler tout son courage pour enfin mettre un terme à toutes ces fakes news dans une prochaine loi qu’on devine déjà bien écrite.
La défiance du peuple pour ses politiciens, rassurez-vous, c’est bien fini !
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