Une usine ferme. La ville qu'elle faisait vivre agonise. La ville meurt.
L'usine, c'est Alstom, la ville, Belfort.
En fait, Alstom est parti. L'usine s'est vidée de ses humains. Mais la ville n'est pas morte.
Les parents de Félix et de Noël travaillaient chez Alstom. Ils ont divorcé: leur père a été licencié et vit à Ostwald, dans la banlieue de Strasbourg; leur mère a accepté une mutation et est restée à Belfort.
Marie, Félix et Noël forment un trio. Il semble que Marie soit en couple avec Félix, mais, hébergée par Noël, dans son studio de Strasbourg, elle passe la nuit avec lui, sans qu'il y ait pour autant ménage à trois...
Un peu plus tard, alors que Félix et Noël se trouvent à Belfort chez leur mère partie à Marseille pour son travail, un incident grave se produit à la centrale nucléaire de Fessenheim, située loin au nord-est.
Ils n'ont donc rien à craindre. Mais leur mère préférerait qu'ils la rejoignent à Marseille. Cependant ils n'en auront pas le temps parce qu'auparavant l'ordre d'évacuer le territoire de Belfort [est] donné.
Avec d'autres réfugiés, Félix et Noël partent en camion pour un camp, un gymnase de verre perdu entre une forêt et un étang. Noël, le narrateur de Thomas Flahaut se souvient y être déjà venu avec son père:
La forêt n'avait pas encore été trouée pour accueillir le gymnase. Ce devait être en automne, la base nautique était déserte. Je me souviens du vert-brun des algues d'eau douce recouvrant le béton du déversoir d'où l'eau de l'étang glissait lentement vers le calme glauque d'un marécage préhistorique...
A l'étang de Brognard, situé à une quinzaine de kilomètres au sud de Belfort, le risque est déclaré moindre. On devrait le croire. Nous sommes en sécurité. C'est ce que nous disent les radios et les transistors:
Ces objets antiques, sortis d'une cave ou d'un grenier, ont été apportés par des gens plus avisés que nous, des campeurs aguerris sans doute, qui s'étaient préparés sans le savoir à leur vie de réfugié dans ce gymnase.
Félix n'a qu'une hâte, celle de partir du camp, conscient que s'ils restent on les laissera y pourrir. Quand les choses se gâtent et que l'opportunité se présente, ils s'en vont à vélo, direction Belfort, puis Ostwald:
La zone évacuée qu'il faut traverser pour y arriver doit être vide, et ce vide nous rassure.
La fin du périple des deux frères est prévisible. Le salut ne pourra se trouver que dans la fuite et une nouvelle séparation, tandis que le monde ancien qu'ils ont connu vole partout, autour d'eux, en éclats.
Francis Richard
Ostwald, Thomas Flahaut, 176 pages, Éditions de l'Olivier