Billet par Vincent Grenier.
Il faut regarder cet extrait vidéo. Cela se passe devant nos futurs polytechniciens. Laurent Alexandre(heureux startuper millionnaire et apôtre du transhumanisme) nous explique pourquoi "les gilets jaunes sont des êtres substituables", les futurs "loosers" du développement de l'Intelligence Artificielle, les "ceux qui ne sont rien" de demain et n'auront aucune valeur ajoutée sur un marché du travail qui les aura remplacé par des machines... Il ne s'en réjouit pas, mais il l'annonce.
Triste prospective, mais assez réaliste. Pour autant, je ne crois pas que l'avenir sera ainsi fait. Je pense que l'IA laminera les cadres et les professions intellectuelles supérieures bien avant de s'attaquer aux "gilets jaunes", brisant de fait le consensus libéral au sein des CSP+.
Les "technicistes" pensent que la société adoptera l'IA en toute matière dès qu'elle sera opérationnelle, parce qu'elle sera opérationnelle. Mais l'économie ne fonctionne pas ainsi. Inévitablement, les futures activités substituables par l'IA seront choisies non pas par rapport aux possibilités techniques, mais sur des critères de rentabilité. Bref, une classique allocation des ressources économiques, dans un ordre qui respectera la classique baisse tendancielle du taux de profit.
Parlons du médecin, du radiologue, du juriste, du cadre en entreprise : ils coûtent cher, et l'IA qui pourrait un jour les remplacer est purement logicielle (coût marginal zéro). De quoi espérer une très bonne rentabilité. Contrairement aux GJ (je généralise honteusement, mais c'est pour cadrer avec le discours du monsieur) : leur temps de travail coûte peu, et leurs activités sont souvent physiques. Pour les remplacer, l'IA devra donc être prolongée de matériel, de robotisation. Avec son prix d'achat et son coût de maintenance. Donc une rentabilité moindre, peut-être même négative pour longtemps pour certaines tâches.
Par exemple, automatiser la collecte des déchets demandera de prolonger l'IA par un bras articulé qui coûtera trois à cinq ans de salaire d'un opérateur au smic. Ca sera techniquement possible un jour, mais de loin moins rentable que de mettre une IA dans l'ordinateur des médecins généralistes et de leur demander de valider douze diagnostics à l'heure. Et ainsi réduire drastiquement le besoin de travail humain...
Les secteurs les plus rentables seront touchés en tout premier. Et il y a fort à parier qu'avant de définitivement rencontrer la misère, les "GJ" risquent avant tout de recruter en masse chez les cadres. Et ça peut changer le cours des choses...
Sur le coup, soit je me plante totalement, soit il y a un angle mort chez nos prospectivistes. Mais de là où je suis, c'est ce que je vois pour demain...